18 déc. 2018

Un Numide en Amérique du Nord - 303 -

Depuis plus d’une décennie les débats sur l’identité, les valeurs du Québec et la laïcité dans les espaces institutionnels et publics s’invitent régulièrement comme pour maintenir le citoyen en veille stratégique. Le Premier Ministre du Québec, vient d’annoncer qu’il est plus que jamais décidé à fermer ce dossier au plus tard en juin 2019 même s’il sait qu’il est déjà confronté par des oppositions conjoncturelles.
Une identité et des valeurs stables
Dès le début de mes pérégrinations au Québec, j’ai été impressionné par les noms des saints donnés aux rues ainsi que par le nombre d’églises éparpillées, ici et là, comme le sont les milliers de mosquées en Algérie. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces églises sont vides. J’ai cherché à comprendre et la réponse a été globalement la suivante : Depuis la Révolution Tranquille, la religion a été ‘’ tassée ’’. Le taux de pratique est très bas et seuls quelques aînés continuent de vivre leur foi sans faire de bruit.
Dans une précédente réflexion intitulée une déconfessionnalisation inachevée n’est pas la laïcité[1], j’ai évoqué brièvement des aspects de l’histoire du Québec en rapport avec l’église, j’ai, notamment souligné, que selon ma perception la Révolution Tranquille a été le creuset de la construction d'une nouvelle identité nationale québécoise et une rupture décisive entre l'Église et l'État, mais dans les faits, si l’identité et les valeurs sont, à quelques exceptions près, assez stables, il n’en demeure pas moins que des remises en question récurrentes, se font entendre. Elles fissurent l’édifice fragile de la laïcité naissante et une idéologie mortifère en pleine expansion tente de la requalifier. 
De mon cours de sociologie j’ai gardé l’enseignement suivant : l’étude d’une société n’est pas seulement une problématique avec des hypothèses mais un champ d’observations avec des évolutions et des stagnations sociales mais aussi des ancrages à des dogmes qui souvent sont des freins à sa progression ; il y a aussi et surtout des acteurs politiques, culturels et  sociaux; et plus ils sont libres dans l’expression de leurs pensées et de leurs actes plus cette société est harmonieuse, mais lorsque les acteurs cultuels sortent de leurs champs d’intervention ... apparaissent des contingences qui en perturbent et amoindrissent la modernisation.  
Avec cette réflexion en tête, j’ai lu, j’ai participé à des débats, j’ai écrit et j’ai toujours été confronté à d’autres questionnements en lien avec la définition des concepts, de la terminologie, du mode de pensée et de la mentalité au Québec. Venant d’ailleurs, j’ai compris qu’ils répondent à d’autres schémas de lecture que les miens et qu’ils mènent à des jugements de valeur. Par conséquent, j’en ai déduit qu’au Québec, le Christianisme a été réduit mais trois valeurs sociales forment un héritage bien ancré dans la population : la solidarité, la générosité et le partage, y compris celui du territoire. 
Cependant, en raison d’un multiculturalisme imposé, celui-ci fait beaucoup de place aux autres religions et à leurs pratiquants venus d’Amérique Latine, d’Asie, d’Afrique et du Moyen Orient. Néanmoins, il est aussi un entrebâillement par lequel s’invitent subrepticement des activistes fanatisés, qui pour se rendre visibles, n’hésitent pas à judiciariser leurs relations avec la société d’accueil, arguant des libertés individuelles au point d’ébranler la cohésion sociale.  J’ai pris le parti de revisiter les thèmes en lien avec la religion, avec la laïcité et d’échanger avec mes amis Québécois et j’ai mis le tout sous l’équation suivante : même si le multiculturalisme est fortement remis en question en Europe, celui du Canada n’est pas conciliable avec la laïcité alors qu’il l’est avec le sécularisme. J’en ai aussi déduit que si le sécularisme et la laicité sont presque antagoniques, l’interculturalisme Québécois est compatible avec la laïcité.
Sécularisme, le mot est lâché ! 
Dans le même processus de réflexion, une question m’est venue à l’esprit : est-ce que les Québécois, font la distinction entre la sécularisation et la laïcité ou au contraire sont-ils dans la confusion ? Il me semble que jusqu’à nos jours, la réponse est teintée d’un amalgame généré par la rectitude politique C’est-à-dire éviter toute formulation pouvant heurter certains groupes communautaristes.
À vrai dire, hormis quelques intellectuels, les membres et les sympathisants du Mouvement Laique Québécois (MLQ)[2], de l’Association des Humanistes du Québec[3] et des Libres Penseurs et Athées[4], qui discernent la nuance entre les deux concepts, les autres ne semblent pas en avoir pris conscience. Rappelons, ici, que selon bien des références, la sécularisation est apparue comme le changement profond qui a accompagné presque tous les secteurs de l’activité et de la pensée humaine pour immigrer du religieux vers le civique et que dans ce cadre, la laïcité délègue l’État pour empêcher l’influence des religions dans l’exercice du pouvoir politique et administratif
Bien entendu, la laïcité est une forme de sécularité. Elle prétend réguler au nom de l’universalisme. Mais, nous disent des philosophes, il ne faut pas confondre le sécularisme (anglicisme) qui est un synonyme d’athéisme mais aussi une sécularité dans les pays anglo-saxons et scandinaves où les religieux ne participent pas au gouvernement ; il n’empêche que leur avis est régulièrement sollicité et pris en compte.  
En démocratie, il peut exister des contraintes. Cela veut dire que des volontés et des idées même anachroniques et contradictoires peuvent s’exprimer publiquement, non seulement, au nom des convictions de leurs porteurs mais aussi à partir d’un universel qui contraint le débat lui-même. Toutefois, s’il n’y a pas de consensus, peut-on être en accord avec ceux qui tentent au nom de cette même démocratie d’empêcher les autres de s’exprimer ?
L’exemple du projet visant à pénaliser ceux qui critiquent l’Islam en les accusant d’Islamophobes ou porteurs de discours haineux, en est le parfait exemple. Peut-on tolérer l’intolérable ? C’est là que réside la difficulté de se laisser dire et imposer n’importe quoi par n’importe qui sachant que seule la voix de la majorité s’impose. 
La démocratie est-elle soluble dans le religieux ?
Par ailleurs, nous ne pouvons ignorer le moment où ces concepts sont utilisés à convenance au gré des biens pensants et des groupes déviants. La laïcité est rejetée par les deux juste pour qu'ils soient sous les feux de la rampe.
A titre de rappel, nul n’ignore qu’en Islam, il n’existe pas de clergé et que par conséquent ce qui pourrait convenir au Christianisme peut ne pas l’être pour les autres religions ; si l’on ajoute l’impossibilité d’avoir une représentation collective unique des musulmans, sauf s’ils se présentent comme citoyens dans les institutions démocratiques, on comprend mieux pourquoi la laïcité et les acquis sociétaux doivent absolument être préservés des risques ravageurs de l’Islam politique.
Dans leurs démarches multiformes, des illusionnés religieux, profitant de l‘entrisme et de l’activisme des islamistes, s’érigent à réduire l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, à supprimer la mixité, à reformuler les programmes scolaires … à adapter le système de sélection des candidats par les institutions et les entreprises, et finalement à assortir à leur seule conception les relations sociales et bien d’autres aspects du vivre ensemble. En fait, ils ciblent tout ce qui fait la société québécoise c’est-à-dire la nation, la citoyenneté, le développement social harmonieux initié depuis début de la Révolution Tranquille.

Comment faire face à ces menaces ?
Bien entendu, il existe des solutions et la première réside dans le changement du discours politique que doivent tenir les représentants des citoyens et autres officiels en exigeant des ‘’autoproclamés représentants’’ des musulmans de prêcher pour leur mosquée et de ne plus le faire pour toutes les mosquées …  De le faire pour leur association, leur groupe de citoyens … La deuxième réponse concrète réside dans la mise à jour des politiques d’intégration des immigrants qui datent du siècle dernier.  Une troisième solution est d'ordre pédagogique et consiste à expliquer les nuances entre le sécularisme anglo-saxon du reste du Canada et la Laicité du Québec.
Dans cette perspective, rappelons qu’au Québec, en particulier là où le rôle de l’église a été ‘éloigné’’ pour des raisons historiques telle que l’immixtion généralisée dans la vie privée des citoyens. La déconfessionnalisation a fait son cheminement mais n’a pas atteint tous les objectifs assignés par la Révolution Tranquille, notamment la formalisation de la laicité.  Elle a rencontré sur sa route une opposition sournoise des multiculturalistes pancanadiens (incluant tous leurs intégristes) et aujourd’hui celle des islamistes venus des pays arabo-musulmans, d’Europe, en particulier de France et qui malgré leur ignorance de la réalité sociopolitique du Québec sont favorables non pas à la laicité mais au sécularisme.  
En 2019, sous l’équation précitée, le Québec connaîtra de chauds débats en matière d’affirmation de son identité, et de deux choses l’une, ou il cède et se plie au multiculturalisme ou, en adoptant la laicité, il tient tête et s’affirme comme nation distincte.
Pour clore ce propos, je souhaite un joyeux noël et d’heureux moments pour 2019 à tous les Québécois ainsi qu’à tous ceux qui sont venus d’ailleurs pour intégrer cette belle société d’accueil.

Ferid Chikhi 

Un Numide en Amérique du Nord - 378

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