25 juil. 2013

Un Numide en Amérique du Nord - 191 -

Moi mes souliers m’ont conté … (2)
De la ‘’Darja’’ à la langue française en dix phrases …
Comme je le soulignais dans mon précédent paragraphe, la dernière fois que je les ai donnés à réparer, ils avaient déjà pris des chemins qui montent et emprunté bien des chemins de vie ... Je pensais avoir révélé à la cordonnière toute l’histoire de ces souliers … avoir divulgué tout ce qui les concernait, les secrets, du moindre au plus gardé, de celui que j’ai tu à celui que j’ai partagé avec l’intime … mais, voilà … une réminiscence du passé m’invite à relater un moment que j’ai vécu comme un défi qu’on ne vit pas deux fois dans son existence mais dont on se rappelle à un autre moment exceptionnel et singulier de sa vie.
(…) Donc, revenons à mon CE2ième année sachant qu’entre temps mes souliers avaient suivi tant de déambulations … pourtant un déclic venait de faire remonter jusqu’à la surface des souvenirs d’antan. En regardant les lanières, qui servent de cordons d’attache et leur enchevêtrement presque artistique, quant elles sont nouées, je repense à ce que disait mon institutrice pour m’aider à rédiger ma première ‘’composition’’. Ses conseils étaient un imbroglio de mots qui avaient du sens mais qui me paraissaient incompréhensibles. Il en était de même en ce qui me concernait puisque souvent ce que je voulais écrire donnait aussi des phrases insolites comparables par certains aspects à cet enchevêtrement de lacets.
Bien plus tard, il faut que je le dise, je découvrais, entre autres, que je pensais, que je réfléchissais en ‘’Darja’’ tout en faisant une traduction approximative en français. Il en était de même pour mes camarades de classes. Si mes premiers pas en écriture de la langue française étaient un des prétextes principaux de rires et de fous rires commis par mes camarades de classe, la véritable cause était sans conteste la mauvaise traduction que j’en faisais. Des moments d’hilarité indescriptible. Mon institutrice, elle aussi, ne pouvait pas, malgré son sérieux, y échapper. Son rire était franc, vrai et surtout associatif. Avec elle, c’étaient de vrais moments de détente et de confiance en soi.
Cependant, et comme préalable il importe de savoir que, cette ‘’composition’’ de dix phrases allait s’avérer l’exercice le plus difficile que je devais réaliser et un objectif surhumain pour mon âge. Cependant, je savais que c’était le début d’une aventure par l’écriture … ne dit-on pas que ‘’c’est le premier pas qui compte le plus, le suivant viendra automatiquement et pour beaucoup instinctivement ?’’ C’était réellement passer une frontière.
Mme Ar…, avait donné des consignes résumées comme suit : ''même si c'est votre première rédaction et qu'elle sera truffée de fautes d'orthographe, je ne serai pas sévère, il n’y aura pas de zéro mais peut être m’étonnerez-vous !? Vous mériterez alors un ‘’très bien ...’’ Tout ce que je veux c'est que vous écriviez dix lignes sur quelque chose que vous aimez faire, que vous aimez manger, un jeu que vous appréciez, votre héros ... sur la personne que vous aimez le plus. Écrivez ce que vous voulez, l’essentiel c’est que cela soit cohérent et compréhensible ''.
Écrire quelque chose que j’aime faire ; mais à 8 ans j’aime tout. Quelque chose que j’aime manger ; là aussi c’est simple à dire mais à écrire ?? Si j’écris que j’aime le ‘’tajine ezzitoune’’ saura t’elle de quoi je parle. Si c’est ‘’El Yahni’’ comment écrire la recette. Lorsque je pense à ce que j’apprécie le plus ... ou encore écrire ce que je veux … c’est un défi que je ne me sens pas encore prêt à relever. Peut-être devrais-je décrire mon héros préféré. Si je le fais elle saura que je lis des illustrés au lieu de lire des livres ; ne va-t-elle pas me gronder ? Je présumais qu’elle comprendrait que regarder des images c’est plus facile que de déchiffrer n’importe quel livre ?! En fait, le plus dur à saisir et à assimiler était  son ‘’l’essentiel c’est que cela soit cohérent et compréhensible’’ … pourtant elle savait que tout ce que je dis l’est … pourquoi alors le demande t’elle ? J’étais perdu et j’ai préféré ne pas imaginer ni envisager son appréciation au moment de la remise du résultat final ...
À suivre ....
Ferid Chikhi  

Un Numide en Amérique du Nord - 377

Le Revenant : la société kabyle du temps des Ottomans et des Espagnols Un village de Kabylie. D. R. Par Ferid Racim Chikhi  – Le 27 janvier ...