8 mai 2010

Un Numide en Amérique du Nord - 54 -

La culture au Québec -6-
La question du choc culturel, mythe ou réalité ?
Les créateurs, l’argent, le public et les gouvernants.
Dans les précédentes parties de cette rencontre, Le Numide, a répondu à nos questions sur son parcours le menant de l’Algérie au Canada en passant par l’Europe et à ce sujet il nous dit qu’il reviendra sur ce qu’il a appris des déplacements et des expatriations de ses aïeux et ses ancêtres. Il répond aussi à nos questions sur la perception des cultures portées par les néo québécois et par les québécois. Il nous a livré, de manière globale, son sentiment au sujet de la culture au Québec en soulignant les aspects du partage et ceux de l’exclusion par les uns et les autres.
Bien qu’il soit contre l’uniformisation et l’unicité il nous dit que le concept d’un monde sans frontières n’est qu’une vue de l’esprit. Par contre, les nouvelles frontières qui se mettent en place cloisonnent les compréhensions des grands agrégats de l’intégration et du rapprochement des centaines de milliers de nouveaux arrivants et des millions de locaux. Nouvelles frontières en formation, nous dit-il, parce que celles qui préexistaient ne comptaient pas et ne considéraient pas la présence d’immigrants en provenance, en grand nombre, des pays ‘’Arabes’’. Il suggère que la sensibilisation et l’échange sont les clés par lesquelles l’harmonie peut s’installer et consolider le socle identitaire du québécois nouveau.
Le Numide, nous expose l’existence d’un cheminement qu’il faut emprunter pour développer une nouvelle manière d’apprécier, de valoriser et de consolider la culture commune et de mener les citoyens vers les points de convergences.
Cependant, il attire notre attention sur le fait qu’en Amérique du nord la culture au sens primaire du concept a été accaparée par l’industrie du spectacle qui en a fait un de ses monopoles. Les québécois s’en contentent puisqu’ils en sont les auteurs et les consommateurs. Les néo québécois n’y ont pas accès, ou s’il en existe quelques-uns qui franchissent la barrière c’est par des efforts inouïs ou encore parce que quelques parts ils sont les alibis qui se font ‘’émerger’’ dans un espace culturel réduit.
A la question de savoir si l’on peut s’attendre à autre chose des festivals, et autres types de rencontres qualifiées de culturelles et semble t’il servant au rapprochement culturel, Le Numide souligne que tant que l’argent reste le pilier de la construction identitaire et culturelle, puisque tel est le cas, ça n’aboutira pas à favoriser les convergences mais bien au contraire ce sont les différences source de discrimination qui apparaissent.
Il présente le paramètre social et l’organisation civile comme étant les plus prégnants avec le soutien des gouvernements pour réussir une nouvelle intégration socioculturelle originale et authentique. Le public, les auteurs et les créateurs seront ainsi parties prenantes quelques soient leurs préoccupations, c’est le cas des écrivains qui arrivent à se faire publier.
Il assure que les auteurs créatifs, entre autres ceux qui performent, mais aussi ceux qui innovent – dans la peinture, la musique, le théâtre, l’écriture, etc. - verront leurs œuvres récompensées et par conséquent donneront un éclairage suffisant et une visibilité certaine à toute la société. En s’émancipant les cultures peuvent fusionner et rapprocher les parties les plus éloignées de toute la société. Cette fusion ne peut être que l’œuvre du public.
A suivre… 
Ferid Chikhi

1 mai 2010

Un numide en Amérique du Nord - 53 -


La culture au Québec -5-
De la politique et de l’industrie qui prime sur l’autre ?
Le Numide, parlant des immigrants, comment à ton avis vivent-ils cette exclusion dés lors qu’ils n’ont pas de place au sein du gotha Québécois des arts et de la culture ?
Sincèrement je ne le sais que par oui dire. Pour ce qui concerne les compatriotes, l’appréciation générale qui découle des discussions que j’ai avec quelques amis de ma génération il y a quelques exceptions qui commencent à émerger dans le milieu des arts par exemple dans celui de la peinture. Des jeunes et des moins jeunes, femmes et hommes font un travail exceptionnel. Mais dans ce domaine rien ne vaut les vernissages. Ça coute cher de se faire connaître d’abord par les gens du milieu et ensuite par le public. Depuis plus de dix ans je n’ai entendu parler et assisté qu’à une seule exposition regroupant plusieurs artistes peintres.
Comment s’explique ou comment expliquer cet état de fait, la situation est-elle la même pour les autres domaines des arts et de la culture ?
J’émets l’hypothèse suivante avec deux variantes. La 1ère est que nos artistes, écrivains, poètes, acteurs, musiciens, etc. n’ont pas encore appris à fonctionner en réseau et avoir un agent – ou plusieurs - qui les représente et qui les présente. Soit ils ne savent pas le faire, soit ils ont des craintes de se faire accompagner par des professionnels de ce métier.
La 2nd réside dans le fait que les québécois nous initient à quelque chose que je trouve fort utile dans la vie de tous les jours, c’est savoir faire le deuil du passé et voir les aspects positifs des moments difficiles par lesquels l’individu passe. Or un grand nombre de nos compatriotes n’ont pas encore appris à le faire même après plusieurs années de présence au Québec et au Canada.
C’est ainsi que les ghettos se constituent. Le pire c’est que ce n’est pas seulement une question de territoire social dans lequel se cloître les immigrants. C’est aussi une affaire de mentalité. Sa ghettoïsation, celle de la mentalité, est la forme la plus pernicieuse, la plus dommageable, la plus nuisible au plan socioculturelle. Elle est le début de la vraie auto exclusion.
Mais à ton avis d’où cela provient-il, ce n’est certainement pas génétique ?
J’ai envie de te répondre par l’affirmative au vu de ce qui se passe au sein de la communauté algérienne, dans la majorité des pays qu’elle a investi, c’est pratiquement le même schéma social qui est reproduit. Cela se fait sur les mêmes principes et les mêmes règles. Mais au départ il y a des segments de cheminement qui conduisent à cet état de fait. J’ai observé que nos compatriotes vivent leur exil comme un choc à la fois identitaire et culturel. Alors ils reproduisent des effets de prismes qui ne sont pas ceux de l’ouverture.
Peux-tu préciser ta pensée ? Oui ! Au départ il y a une sorte d’enthousiasme qui envahit l’esprit. Ensuite c’est un segment de désenchantement et d’anxiété qui le suit avant d’aboutir à une période d’ajustement. En bref, avant de  quitter le pays l’exaltation est à son comble parce que la découverte du nouveau monde est un objectif crucial. J’ai vu des nouveaux arrivants rejeter leur propre culture et l’exprimer haut et fort. Ce qu’il y a d’extraordinaire c’est cette fascinante impression qui se dégage de tout un chacun lorsqu’il montre des signes d’apprentissage tel que le sens de l’observation des différences. Je suis toujours impressionné par le sens de l’écoute et du repérage des différences. 
Pour ce qui est du désenchantement, il y a ceux qui le vivent dés les premières semaines et ceux qui s’en rendent compte après plusieurs mois. On découvre et on considère qu’on n’a plus rien à apprendre. On rentre dans un espace de souvenirs. On se met à penser à ceux qu’on a laissé au pays et les efforts que l’on croit faire n’aboutissent pas comme on le souhaitait.
Tu as parlé de désenchantement, qu’en est-il ? Là aussi il y a des vérités qu’il ne faut pas occulter. Nous savons que tout choc altère la qualité non seulement de la réflexion mais aussi celle du jugement et par conséquent celle des décisions. On commence à douter de ses capacités à bien faire et pour se rassurer le meilleur moyen est de se rapprocher des siens, la communauté d'origine. En fait on ne la quitte jamais. Dés le moment où le contact du retour est établi on commence à dénigrer la culture d’accueil. On croit à un ressourcement mais dans les faits ça n’en est pas. Certains deviennent même insultants et ça provoque des heurts, des conflits et des disputes avec les gens du pays. Cela a des répercussions au sein de la famille et bien sur du couple en raison des interférences exogènes - ‘’les conseils des amis’’ -…
Le Numide, tu as énoncé une étape ultime, de quoi s’agit-il d’un point de vue globale ? Tu veux dire celle de l’ajustement... en fait, l’Algérien est convaincu ‘’qu’il a crée le fil à couper le beurre’’ en pensant être le seul à dérouler de nouvelles stratégies pour se reprendre et se motiver.
A mon sens, ce qui est positif dans tout ça c’est qu’il apprend à connaître le quartier où il réside et il est convaincu qu’il connait toute la ville de Montréal. Par extension il croit connaitre tout le Québec et tout le Canada et si je vais plus loin il est convaincu qu’il connait les gens et la culture de la province et du pays qui l’ont accueilli. En fait et pour confirmer un adage bien de chez nous ‘’il est comme une souris entre les pattes d’un chat’’, qui s'amuse de l'autre ?
Qu’y t’il de positif là dedans ?  C’est qu’il prend de nouvelles habitudes et il commence par apprécier ce qu’il découvre tous les jours tant au plan de son propre confort que de ce celui de sa cellule familiale. Il compare avec ce qu’il a laissé derrière lui, mais, parce qu’il y a un mais, il se rend vite compte de la différence abyssale de ce qu’il a et de ce qu’il voudrait avoir, de ce qu’il est et de ce qu’il voudrait être. Mais sans un ajustement, une mise à niveau, un reformatage, un changement de paradigmes pour ‘’s’émanciper’’, il sait qu’il ne peut pas réussir. C’est ce qui explique les comportements que l’on trouve bizarres chez bien des groupes communautaires. D’où la difficulté d’accepter les différences et lorsque la religion s’y mêle, bonjour les dégâts.
A suivre…  
Ferid Chikhi

25 avr. 2010

Un numide en Amérique du Nord - 52 -

La culture au Québec -4-
De la politique et de l’industrie qui prime sur l’autre ?
Le Numide, Ce que tu dis là me semble antinomique, comment les cultures peuvent elles à la fois s’émanciper et fusionner si les gouvernants ont en la charge?
Il est vrai que cela semble paradoxal. Ce que je veux dire, en ce qui concerne la province du Québec, et cela peut être valable pour d’autres pays, c’est que les apports culturels des néo québécois doivent être mieux connus pour être mieux compris par les gens du pays d’accueil.
Des espaces d’expression pourraient être envisagés pour laisser place à la découverte, à la créativité spontanée et à l’innovation. Ainsi les synergies souhaitées et engendrées par la participation des diverses cultures ne seraient pas réduites à néant ou à une simple figuration folklorique ou exotique. Elles viendraient enrichir la culture locale qui en serait le vrai socle et aideraient à la fusion.
Les potentiels existants seront mieux consacrés et par la suite une approche de synthèse constituerait un premier moyen de partage pour résulter en plus de variété, de créativité, d’originalité et d’innovation pour une culture nouvelle. Je ne sais plus quel créateur artiste a dit que la culture c’est un mélange d’imagination, de hardiesse et de générosité.  C’est ce dont nous avons besoin. L’imagination, la hardiesse et la générosité.
Mais comment faire pour ouvrir de nouveaux champs d’expression qui rapprocheraient les québécois de souche et les néo québécois ?
‘’L’industrie du spectacle’’ n’est pas élitiste mais elle est sélective. Elle ne fait pas cas des valeurs universelles, et encore moins celles importées par les immigrants qui dans la plupart des cas sont universelles. Elle ne profite réellement qu’à une petite catégorie de porteurs d’idées locales. Les lobbies font le travail de présentation et d’introduction. En général c’est la tribu  qui fait les choix, ce qui est qualifié, ici, de réseau et qui en fait ne profite qu’à des dynasties, pas forcément liées par le sang. C’est à ce niveau que même les termes juridiques de cette industrie sont exclusifs et ne laissent pas de place au transfert et à l’échange venant ‘’des autres’’ et, si cela se fait c’est en général selon une proportion désavantageuse pour ‘’ces autres’’. Dés lors, je pense que les institutions gouvernementales ont un rôle à jouer. Ce rôle consisterait à veiller à ce que l’apport ‘’des autres’’ soit éclairé et éclairant.
Par exemple si nous prenons les anglophones du Québec, leur culture est préservée, non pas parce que le Canada est bilingue et qu’ils sont plus nombreux mais c’est parce qu’ils bénéficient des acquis de l’occupation du Québec par leurs ancêtres. Alors se pose au moins une question, les néo québécois et leur apport culturel diversifié et varié ne devraient-ils pas avoir droit à un espace d’expression où leurs créations intègrent le patrimoine Québécois ?
C’est là que tu considères que la culture est entre les mains de l’industrie du spectacle, n’est pas ?
La commercialisation de la culture modélise les contours de celle du pays d’accueil et montre à la limite que les valeurs de ceux qui s’établissent au Québec ne sont pas comprises et prises en considération par les gens du pays. Il y a la frontière qui nous sépare des USA, mais nous ne sommes pas aux USA. Nous sommes au Canada et spécifiquement au Québec.
Au plan global les valeurs du pays ne sont pas clairement expliquées aux nouveaux arrivants. Ceux qui devraient le faire n’ont pas, à mon avis, la formation nécessaire et suffisante et les compétences pour une compréhension des cultures des nouveaux arrivants ; ce qui génère des problématiques qui n’en finissent pas d’être des sujets de débats et de confrontations sans fin. Le plus invraisemblable c’est que les partisans des dogmes réapparaissent.
L’exclusion et la discrimination sont palpables et surgissent là où l’on s’y attend le moins. Les avancées démocratiques en prennent un coup au point qu’elles entrent dans le couloir de la remise en question.
Le Numide, prend une grand aspiration, la garde en suspens quelques secondes et poursuit sa réponse …
À suivre…
Ferid Chikhi

Un Numide en Amérique du Nord - 377

Le Revenant : la société kabyle du temps des Ottomans et des Espagnols Un village de Kabylie. D. R. Par Ferid Racim Chikhi  – Le 27 janvier ...