2 juin 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 110 -

Etat d’âme V/o état d’esprit
L’inachevé … qui ne se consumera jamais -1-
La vie précède la mort. C’est un processus naturel et normal à la limite de l’ordinaire. Cependant, la normalité qui s’installe durant la vie nous fait prendre des habitudes qui se transforment en routines et avec le temps transcendent tout, pour forger des valeurs et des proximités difficiles à réduire lorsque l’échéance ultime nous confronte.
C’est à ce moment précis que l’on se rend compte, lorsqu’on est attaché plus aux valeurs qu’aux routines, que l’état d’esprit partage un espace avec les états d’âme. Ils s’imbriquent et s’agrègent. Heureusement, que le raisonnement nous aide alors à discerner le bien du mal et le positif du négatif, le minuscule et l’infini. Il nous aide aussi à progresser et à nous tenir debout, quelque soit la difficulté, la douleur, l’affliction et la peine. Il arrive parfois, que les choses ne soient pas aussi simples qu’on le croit et c’est ce que j’éprouve par moments depuis quelques mois.
L’automne dernier a été une saison pas comme les autres. La tristesse et la morosité se sont partagées l’espace vitale qui m’entourait à tel point que le chagrin était incommensurable. Je me suis trouvé confronté à la disparition brutale de ma mère. Son départ m’a fait prendre conscience que le néant nous entoure. Je ne m’étais pas préparé, malgré son âge. L’autre espace celui du temps, s’est terminé par une sensation, un sentiment d’inachevé et de frustration. Jamais je n’avais autant ressenti la vulnérabilité de mon être.
La disparition de ma mère, m’a apostrophé. Mais c'est là, un mot sans consistance ; je dirais qu’elle m’a chamboulé ou mieux encore bouleversé à la limite de la perturbation avec une dose de troubles. C’est d’autant plus difficile à absorber quand il s’agit de la mort de cet être cher qui nous a donné la vie.
Pourtant, je croyais savoir, au plus profond de mon âme, et ce depuis ma première rencontre avec elle (la mort), un certain 21 février 1961, ce qu’elle est et de quoi elle était faite. Elle avait happé, sans prévenir, mon père à l’âge de 51 ans et 40 jours plus tard mon grand père. Je n’avais que 12 ans, le début de l’adolescence.
Ces deux échéances, à 50 ans d'intervalles, la mort d'abord de mon père et de mon grand père et ensuite celles de ma mère et de ma jeune sœur m'ont figées dans une stupéfaction indescriptible parce qu’imprévue. C’était un effarement singulier et j’ajouterai paralysant, surtout que l’ancrage physique aux représentations paternelle et maternelle n’existe plus.
Le vide que j’ai ressenti était abyssal. Il faut dire qu'entre les deux j'ai vécu la même émotion, la même meurtrissure lors du décès accidentel de ma tante paternelle. Jeune et d’une beauté hollywoodienne.
À suivre
Ferid Chikhi

28 mai 2011

Un Numide en Amérique du Nord -109-

L’Ijtihad, l’accueil et l’hospitalité -2-
Malgré nos différences prônons un vivre ensemble intelligent 
Dans ce nouvel environnement où le vivre ensemble présuppose le respect de normes sociales différentes je me suis rendu compte que j’avais en face de moi un cadre de référence que je ne connaissais pas. Il a fallu construire un nouvel espace de vie après un bon examen des milieux social, culturel et professionnel qui s’offraient à moi. Aller vers l’autre et partager avec lui. Mais l’autre, mon voisin, le plus proche a gardé sa porte close. Pourtant une des recommandations du Prophète de l’Islam à ses disciples est de ‘’se rapprocher le plus possible de son voisin’’.  Les effets ont été à la limite du désastre. Il a fallu revoir ma conception - de la progression vers l’autre - du québécois de souche, pure laine qui me percevait comme un intrus dans son espace, du moins c’est ce que je ressentais.  
Pour y remédier j’ai plongé dans ma foi. La prière, l'effort de réflexion et le ressourcement ont pavé la voie que j’ai privilégiée. C’est ainsi que j’ai commencé par redéfinir et ajuster certains paramètres de mon cadre de référence pour comprendre celui des autres. J’ai aussi réappris à découvrir et à apprivoiser mon nouvel environnement et en faire un espace ouvert de concertation et de consultation - ‘’El mouchaoura’’ en arabe.
Ce nouvel environnement, il fallait m’y accoutumer, trouver des traits d’union, des ponts, des points de jonction et de convergences. Le défi était de taille. Bien entendu rechercher des similitudes et des affinités avec la société d’accueil, me familiariser avec le concept de l’espace nord américain tout à fait différent de celui d’où je viens, m’incitaient à mieux envisager ce que je pouvais créer comme passerelles pour me rapprocher de mon vis-à-vis québécois. Par exemple, j’ai du réapprendre à concevoir autrement la dimension temps et ressentir différemment les saisons qui, sans aucun doute, influent sur les mentalités et les tempéraments ainsi que sur les pratiques sociales et culturelles.
C’est grâce à mon ''Ijtihad'' - mon effort de réflexion - que j’ai validé qu’aussi bien mon attitude que mon comportement ne devaient en aucune manière être perçus comme une provocation aux habitudes et aux coutumes de l’accueillant mais plutôt comme une contribution et un plus pour la société qui m’a ouvert ses bras.  Au lieu de persévérer dans mes paradigmes et m’auto-exclure j’ai choisi de faire une pause pour les modifier, les transformer et à l’extrême les remplacer. Aujourd’hui, mon effort de réflexion me rapproche de plus en plus des gens du pays.
Ferid Chikhi
Contribution particulière
Revue ‘’L’Envoi’’ du Diocèse
De St Hyacinthe – Montérégie – Québec - Canada
12 mai 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 108-

L’Ijtihad, l’accueil et l’hospitalité -1-
Malgré nos différences prônons un vivre ensemble intelligent 
Le propos qui suit se veut l’expression d’un aspect du cheminement que j'ai suivi pour me rapprocher de celles et de ceux qui m’ont accueilli et m’ont donné le temps d’occuper la place qui me revient selon leurs valeurs sociétales sans pour autant renier les miennes. Pour m’y faire j’ai pratiqué l’Ijtihad ‘’ - l’effort de réflexion sur soi-même’’ - tel que le préconise ma pratique religieuse.
Au préalable, je voudrais partager cette première réflexion : quitter un pays pour un autre est, pour certains, un simple voyage d’un point à un autre et une aventure pour d’autres. Je conviens aussi que pour la majorité il s’agit d’une immigration mais en ce qui me concerne c’est d’un exil qu’il est question.
Il faut comprendre que dans mon cas j’ai laissé derrière moi, non pas et seulement, un pays et une société, mais aussi toute une famille, des amis et des collègues. Les reverrai-je un jour ? Qui sait ? J’ai aussi laissé derrière moi des habitudes et des ambiances de senteurs et de parfums tels que le jasmin, le musc et la fleur d’oranger. Je me demande si un jour celles de l'érable et du bleuet les remplaceront ? Il y avait aussi des bruits tel celui de la résonance du pilon qui sert à broyer les condiments nécessaires à la confection des plats que réalisent avec tant d’attention les femmes de mon pays et que rien de similaire n'évoque au pays de Félix Leclerc et de frère André.
L’exil, ça se déroule alors que l’impuissance face au départ est avérée et tout en nous confrontant à notre vulnérabilité il nous questionne, il nous interpelle ... S’agit-il d’une fuite ou au contraire d’une avancée vers le futur ? N’est ce pas un acte de lâcheté ou au contraire un acte de bravoure que de se risquer à aller de l’avant, vers l’autre ?
Dans mon langage d’exilé venant d’un pays ou l’Islam est la religion dominante l’intégration suppose le respect des lois de l'hospitalité. Or, dés le début, j’ai compris qu’au Québec celle-ci prend une autre signification et se voit remplacer par l’accueil. Il est vrai que le québécois, dans sa générosité et son ouverture d’esprit, accueille beaucoup plus qu’il n’offre l’hospitalité. Et là, il a fallu m’adapter à ce nouveau paradigme, sachant que pour moi, l’accueil est une partie de l’hospitalité. C’est le 1er segment de la rencontre avec l'autre.
Ferid Chikhi
Contribution particulière
Revue ‘’L’Envoi’’ du Diocèse
De St Hyacinthe – Montérégie – Québec - Canada
12 mai 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 377

Le Revenant : la société kabyle du temps des Ottomans et des Espagnols Un village de Kabylie. D. R. Par Ferid Racim Chikhi  – Le 27 janvier ...