9 mars 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 377

Le Revenant : la société kabyle du temps des Ottomans et des Espagnols

village Kabylie
Un village de Kabylie. D. R.

Par Ferid Racim Chikhi – Le 27 janvier dernier, Mahfoudh Messaoudene a présenté son ouvrage Le Revenant, un roman qui, dès les premières pages, vous tient en haleine. La quarantaine de personnes présentes ont bien communié avec l’auteur mais il faut reconnaître que la salle était trop exiguë pour une telle présentation. L’animation de la rencontre s’est déroulée sous la direction du philosophe Ali Kaidi.

Yidhir, à la quête de son héritage et de son foyer…

Le Revenant, c’est l’histoire d’Yidhir, un homme ayant vécu en Kabylie au XVIe siècle et qui s’en est allé faire la guerre pour le compte des Ottomans contre les Espagnols afin de libérer Bougie. Il vient de Tighilt, un village de montagne comme on en trouve en Kabylie.

C’est une histoire imaginée se déroulant à une époque bien réelle avec des périodes se situant au milieu du XVIe siècle et mettant aux prises les Turcs, les Espagnols et les Algériens (Kabyles, Algérois, etc.).

C’est une introspection d’une partie de la société kabyle, encadrée par des coutumes, des références aux anciens, des traditions et, par conséquent, souvent ancestrales mais fortement imprégnées de nouveautés religieuses (des dogmes, des règles associés aux usages et aux rituels …) vite dépassées parce que des situations nouvelles surviennent avec le temps et les changements que connaît le monde et que la Kabylie ne peut éviter.

Ce qui est prenant dans ce roman, ce sont les dépassements des uns et des autres, soit en raison de traditions codifiant la vie de tous les jours, soit parce que le patriarcat est prégnant. Le cas de l’héritage qui a été résolu dans bien des situations par l’indivision pour ne pas déshériter la femme fait que dans d’autres conjonctures et d’autres lieux, une coutume qui s’impose au détriment du bien-être et sans tenir compte de l’apport de l’homme et de la femme à un moment ou à un autre de leur vie a des répercussions qui vont au-delà des sentiments. En tout état de cause, l’avis de la femme, sa place dans la société kabyle sont souvent ignorés parce que les habitudes et les pratiques coutumières, celles de la famille ou celles du village sont plus fortes, ce qui donne encore plus de poids au respect de la cohésion sociétale. Mais la femme kabyle reste un pilier de la société dans son ensemble et le fondement gardien des valeurs pour les générations futures.

Le profil comportemental du Kabyle et consensus sociétal

Dans ce roman, Mahfoudh Messaoudene fait le portrait du Kabyle, en surlignant ses défauts et ses qualités, ses caractéristiques et ses valeurs dessinées par la communauté et le patriarcat. Dans cette grande communauté comme bien d’autres ailleurs en Algérie, la majorité n’est pas la référence. Ce qui est la référence, c’est le consensus. Il en est de même pour les valeurs, le respect, notamment, des conventions prime, qu’elles soient traditionnelles ou coutumières ; c’est aussi, comme ailleurs en Algérie, le respect de l’aîné et des autres patriarches au sein de la famille, envers les aînés et, bien entendu, celui qui est dû à la femme mais dans un cadre de références bien ficelé. Deux autres valeurs encadrent les faits du jour, celle du partage et de la solidarité au sein de la famille de la communauté du village et de l’environnement en général, toujours sous le leadership des patriarches

Chacun fait preuve d’engagement envers les siens, les proches, le voisinage… même lorsque la personne ne va pas dans le sens des conventions. Son avis est respecté, on ne dit pas de mal de lui et on le laisse faire mais, de l’autre côté, la recherche du consensus est essentielle pour le laisser ou, au contraire, le rejeter.

Parmi les qualités citées par l’auteur, on rencontre le courage, la détermination, l’engagement, la fierté, la passion, la résistance et, surtout, la solidarité. En communauté, nous dit Mahfoudh, le Kabyle est égocentrique, tout est en lui.

Le sens de l’observation chez le Kabyle

Il en fait de même avec ce monde qui entoure les protagonistes du «revenant». Avec pertinence et sans détours, il nous brosse les péripéties de Yidhir et, avec un sens de l’observation vitale, il attire notre attention sur une Espagne où la religion catholique vit ses moments de grande inquisition, faisant du XVIe siècle une époque où la bestialité religieuse chrétienne est innommable, où l’individu, s’il ne se plie pas aux nouvelles mœurs, est méprisé et mis à mort. C’est aussi une époque où revient la foi en s’imprégnant d’amour et de compassion (voir la partie portant sur l’échange des prisonniers).

Ainsi, la grande communauté kabyle est un ensemble de regroupement de personnes unies par les liens du sang et l’environnement où elle s’installe ; elle est décrite avec des mots simples que le commun des mortels peut comprendre mais qui attachera encore plus le lecteur de ce roman pour le terminer d’une traite.

L’apparition de l’islam en Kabylie

Malgré une recherche documentaire très serrée, Mahfoudh Messaoudene, peut-être sans le vouloir, puise dans l’oralité traditionnelle et c’est – ce n’est qu’une hypothèse – pour cela que son roman laisse parfois des zones d’ombre sur des faits d’histoire, des épisodes descriptifs fort intéressants à plusieurs endroits. Par exemple, selon des érudits des Chorafa et des marabouts, l’islam avait, malgré une forte résistance des Kabyles des plaines, pénétré la haute Kabylie par les dou’âa des marabouts et des Soufis de la confrérie Errahamania et ceux venus du Rio de Oro, cela a fortement influencé l’islamisation de la région sans effusion de sang et en octroyant le maintien de ce que la Kahina avait demandé à ses enfants avant sa mise à mort : «Préserver l’identité et la culture de la nation», tout un programme idéologique.

L’islam, à cette période, était fortement influencé par les marabouts ainsi que par les zaouïas. Toutefois, cette influence n’est pas perceptible dans ce roman alors que des tribus entières occupaient l’espace montagneux du Djurdjura. C’est le cas des Aït Betroun, constitués des Aït Yenni, des Aït Ouacif, des Aït Boudrar, des Aït Bou Akkach et des Aït Menguellet, constitués des Aït Menguellet proprement dits, des Akbil, des Aït Attaf, des Aït Bou Youcef, des Aït Messaoud. Ces tribus ont toujours eu une grande influence sur les autres tribus de la région. Il y avait d’autres familles plus puissantes que les At El Kadi mais elles sont à peine effleurées (les Ath Abbes, les Ath Frawcen, les Ath Menguelat…).

Enfin, il faut souligner le fait que, mis à part quelques remarques qui pourraient paraître inappropriées et au-delà de quelques imperfections, c’est un ouvrage à la fois anthropologique, historique, psychologique et sociologique, à lire et à faire lire. 

F. R. C.

Mahfoudh Messaoudene est ingénieur en génie civil, installé au Québec depuis 2003.

Le Revenant, de Mahfoudh Messaoudene, éd. : L’Harmattan 2023 – Lettres Berbères

https://www.algeriepatriotique.com/2024/03/06/le-revenant-la-societe-kabyle-du-temps-des-ottomans-et-des-espagnols/#comments


10 févr. 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 376 -

 Histoire et mémoire : sortir de l’émotionnel pour aller vers le raisonnable

L’Algérien est-il condamné à apprendre son histoire seulement au travers de ce qu’écrivent les érudits des pays ennemis d’hier et adversaires d’aujourd’hui, alors que les règles et les normes de l’oralité, qu’il connaît depuis des millénaires, ont complètement été modifiées et réorganisées pour satisfaire les contrefacteurs du moment ? L’écriture de l’histoire est un acte patriotique qui se suffit à lui-même. Malheureusement, beaucoup d’historiens se sont érigés en experts.

Depuis quelques années, l’on assiste, incrédules et embarrassés, à des tentatives d’écriture de l’histoire de l’Algérie sans que l’avis de l’Algérien ne soit entendu et encore moins pris en considération. Même si quelques rencontres ont été organisées pour en parler, des séminaires ont été aménagés par suite de commandes décrétées et ordonnées, le tout s’est soldé par des dommages plus que par des avantages. Ce qui est singulier, c’est que l’écriture de cette histoire ne semble concerner que celle de la Révolution de Novembre 1954, et tout au plus quelques péripéties du Mouvement national, qui vont dans le sens des tendances d’une caste, donc sans aucun lien ni intérêt pour les périodes qui les ont précédées. Alors, demandons-nous, en quoi cela peut être utile ? Est-ce cohérent, pertinent, raisonnable ?

Pourquoi vouloir écrire et enregistrer des événements, des épisodes, des faits d’une période donnée tout en ignorant ceux du passé ? L’acte de résistance de l’Algérien face aux conquérants, aux envahisseurs et autres infiltrés date de la nuit des temps. C’est dire que si l’on sort un tant soit peu de l’émotionnel et que l’on fasse appel à la raison, les données et leur analyse seront certainement plus appréciables.

Sortir de l’émotionnel, c’est enregistrer les témoignages des acteurs ayant vécu de près ou de loin les différents actes, événements et épisodes d’un moment dont plusieurs parleront de leur vivant. C’est noter la mémoire vive pour en faire un libellé utile pour les générations futures. C’est aussi le premier niveau du raisonnement qui aide à séparer le bon grain de l’ivraie. Aux historiens de distinguer entre la mémoire perceptive, l’épisodique, la procédurale et la sémantique. Il reste que le travail de consignation des historiens ne suffit pas. Il faut y ajouter celui des sociologues, des philosophes, etc.

Les idéologies fallacieuses

L’intérêt de cette écriture est bien entendu et avant tout idéologique. Parce que parler et enregistrer les recherches sur tout ou partie de l’histoire millénaire, c’est remettre en question un discours ambiant fort dérangeant pour bien des personnes qui naviguent à vue et qui refusent de lever le couvercle du puits du savoir et de la connaissance. Elles sont convaincues que l’ignorance du peuple addict à la religiosité et au football est un facteur de cohésion. Or, elles ignorent qu’avec ou sans elles, l’histoire s’écrit d’elle-même, comme s’est écrite celles d’Athènes, de Bagdad, de Cordoue, de Damas, de Rome et de bien d’autres lieux prestigieux qui ont marqué les temps et les esprits.

Ce qui est grave, c’est que lorsque des dirigeants algériens se laissent assiéger par les codes, les conventions, les normes, les règles, les théories, et bien des usages des ennemis et autres adversaires qui ne veulent pas que l’histoire de l’Algérie soit écrite par des Algériens, ils convoquent des comités et des commissions pour faire oublier le vrai problème, celui de laisser les experts effectuer leur travail.

La méthodologie de l’ancien occupant ne convient pas

En fait, lorsqu’il est question de l’histoire, l’Occident a formé ses historiens, ses journalistes, ses sociologues, ses anthropologues et l’ensemble de ses érudits à écrire les témoignages de ceux qui ont vécu des événements, à les retranscrire et à en faire des ouvrages ou de nos jours des vidéos qui profitent à ses cultures, ses identités, ses civilisations et surtout à leurs citoyens, pour se souvenir et ne jamais oublier.

Ainsi sont officialisés par écrit des actions, des aventures, de entreprises, des événements, des faits, des incidents, des péripéties qui serviront de références aux analyses et aux commentaires des anthropologues, des historiens, des journalistes, des sociologues, pour d’autres écrits qui font par la suite l’histoire selon leurs auteurs.

Ce sont les Allemands, les Belges, les Britanniques, les Etatsuniens, les Français, les Grecs, les Italiens, les Turcs. Les Russes, etc., qui ont écrit et qui écrivent les histoires de leur pays. Pourquoi faut-il que l’histoire de l’Algérie soit écrite à deux mains : celle de l’ancien colonisateur indu occupant et celle de l’Algérien qui a libéré sa patrie ?

L’histoire et la mémoire de l’Algérie sont la propriété intellectuelle et patrimoniale des seuls Algériens, qu’ils partagent ou non avec ceux qu’ le veulent. Mais les vraies questions qui devraient nous interpeller sont l’authenticité et l’utilisation de l’instrument et le véhicule qui transmettront aux futures générations cette écriture par de vrais patriotes.

Parmi ces questions, demandons-nous :

1) Quelle sera la langue d’usage et de transmission ? Sera-t-elle la langue arabe ou celle d’un autre occupant ? Sera-t-elle cette langue mal enseignée et mal maîtrisée ? Sera-t-elle celle du dernier occupant qui pourtant a perduré un peu plus d’un demi-siècle après l’indépendance mais qui reste pour le moment la langue la plus fonctionnelle ?

2) Pourrait-on se défaire de la religiosité ambiante pour être critique et raisonnable sans que les émotions ne prennent le dessus ?

3) La recherche des informations fera-t-elle l’objet d’une méthodologie et d’une épistémologie spécifique ou sera-t-elle expérimentale ?

4) Ceux qui, dans les centres d’archives et de documentation, ainsi que ceux qui sont dans les universités prennent part à ce travail colossal sont-ils sincères ou se réfèrent-ils aux seuls écrits des indus occupants ou, au contraire, iront-ils chercher l’information sur le terrain ?

5) Quel sera le profil des membres des comités de rédaction et de synthèse ? Ces comités seront-ils indépendants ou «rattachés» à quelque instance ?

Les questions d’authentification exigent que les personnes en charge de cette histoire et de cette mémoire respirent impérativement l’honnêteté, l’intégrité, le patriotisme et soient absolument loin des cercles dominants.Bien entendu, d’autres critères devront être définis pour que cette œuvre soit une véritable révolution pour le pays et qu’à travers sa lecture, la future société algérienne soit édifiée dans la transparence universelle.

Ferid Racim Chikhi

2 janv. 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 375

Transformations internationales : 

effets en fonction de la posture de l’Algérie


Le Président Tebboune et l'Ambassadrice US a Alger

Cette contribution déroule sous forme de synthèse des éléments que je qualifie de sensibles par leurs interrelations et que rencontre l’Algérie en ce début de 2024. Une nouvelle année qui présente des caractéristiques en lien avec les changements majeurs que vit le monde. Les effets des transformations internationales sur le plan notamment géopolitique pourraient avoir des répercussions positives en fonction de la posture de l’Algérie au double plan interne et externe.

Le propos ne se veut en aucune manière une médisance. Il se veut plus l’expression d’une opinion ou encore du fossé qui existe entre les décisions et les apports de l’institution présidentielle et gouvernementale, la lenteur de leur mise en pratique, peut-être en raison du manque d’un échéancier et d’un système d’évaluation des opérateurs.

Nul ne saurait occulter que le monde est actuellement dominé par le génocide que commet l’entité sioniste et ses protecteurs anglo-saxons et euro-étasuniens contre les Palestiniens, et même les pays qui ont vécu ou vivent encore la guerre sont effacés des supports médiatiques les plus en vue dans le monde occidental pour mettre en évidence les actions sauvages d’Israël contre des civils innocents. Pour sa part, l’Algérie, égale à elle-même, poursuit son soutien aux peuples opprimés et regarde l’avenir avec confiance. Du moins, c’est ce qui ressort du premier discours sur l’état de la nation, prononcé récemment par le président de la République, devant les deux chambres parlementaires réunies pour la circonstance.

Un premier discours sur l’état de la nation

Depuis le début du post-Hirak – élection du président de la République –, il est question de réformes dans presque tous les domaines d’activité. Mais l’Algérien lambda les ressent-t-il dans son quotidien ? Cinq années d’exercice. Pourtant, l’appréciation est pour beaucoup mitigée. Pour la grande majorité de la population, les effets de ces réformes sont lents à voir le jour et les dérives culturelles, économiques, idéologiques, sociales, etc., sont latentes en raison essentiellement d’un manque flagrant de compétences ou, pour le moins, d’un déficit d’expérience chez les agents de l’Etat en charge de les mettre en pratique. Sur un plan plus large, le changement de stratégie et de l’équipe en place avec un chef du gouvernement, certes aguerri aux affaires diplomatiques mais pas encore pour les affaires internes, exigent une feuille de route avec des objectifs clairement définis et une marge de manœuvre qui lui permettrait d’atteindre les cibles de façon appropriée.

Le président de la République a prononcé un premier discours sur l’état de la nation. Les deux chambres parlementaires ont apprécié cette nouvelle forme de reddition des comptes, même si, par ailleurs, il est évidemment clair que les réalisations présentées ne font pas l’unanimité et que le pays stagne dans la pensée unique.

Bien entendu, faute d’une véritable liberté de traitement de l’information, les opposants, et ils sont nombreux, frétillent sur les réseaux sociaux. Ils s’en donnent à cœur joie pour exprimer ce qu’ils en pensent. Leurs persiflages, leurs attaques violentes et à la limite de la correction n’apportent rien de nouveau, tant ils sont sans arguments. Ils sont assenés par quelques commettants qui se cachent parmi une élite absente (au pays et) du pays et présente des signes d’aliénation visibles pour ne pas dire semble avoir perdu son âme. Ils se sont autoproclamés opposants au pouvoir en place. Leur cible privilégiée est bien entendu l’institution présidentielle et pour cause, ils considèrent que ce ne sont pas les 39,88% des électeurs qui se sont exprimés contre 60% qui se sont abstenus, qui la rendent légitime.

Cependant, que l’on soit d’accord ou pas, pour un pays qui s’est libéré du césarisme des précédents dirigeants, plusieurs problématiques agissent comme des petits cailloux dans la chaussure de l’Institution présidentielle. A titre indicatif, l’on peut citer sur le plan interne celui des détenus d’opinion et des subversifs, celui de la bureaucratie toujours prégnante ou encore le manque de civisme de la population qui restent parmi tant d’autres les plus visibles et montrent à l’évidence que le rattrapage, qu’il soit culturel, économique, politique ou social, s’avère difficile.

Un déficit en compétences satisfaisantes

Même s’il existe bien d‘autres impératifs, il est clair que pour chacun, on sait qu’il y a des raisons objectives qui expliquent pourquoi ils sont mal appréhendés. L’une de ces raisons, et elle ne date pas d’aujourd’hui, ce sont les compétences et les expériences capitalisées des agents de l’Etat. L’examen des actes de gestion de ces agents, et particulièrement les opérationnels, ceux qui sont en contact avec le public, le confirme. Bien entendu, les responsables sont au premier chef concernés par les résultats médiocres relevés ici et là, que ce soit dans le secteur financier à la traîne (banque, fiscalité, douane, etc.), encore sclérosé malgré des directives pour une numérisation diligente ; une justice toujours sous influence ; le service public général (wilayas, municipalités, voirie, services postaux, etc.) fortement désorganisé ; l’inexistence d’un système d’évaluation des performances sous-tendu par une formation continue et permanente. Les derniers limogeages décidés par le chef de l’Etat en font la démonstration.

Il existe un secteur névralgique très vulnérable tant que des réformes profondes n’y sont pas introduites : celui de l’éducation nationale, totalement en manque de rationalisation et toujours entre les mains de pseudo-professionnels fermés à l’universalisme. Dans ce secteur – de l’école à l’université –, si les différents paliers ne sont pas rapidement séparés du contenu du Livre et de la mosquée, rien ne progressera. Il faut laisser la mosquée pour la paix de l’âme et il est urgent de redonner â l’école sa fonction première, celle de préparer les générations futures a la cohésion et à l’harmonie sociétales par un enseignement résolument fait d’arts, de littérature, d’histoire, de mathématiques, de philosophie, de physiques, de sciences, de sociologie et, surtout, d’ouverture d’esprit.

Le manque de compétences et le manque d’expérience sont un enjeu que les tenants de l’Etat doivent considérer avec attention. Il est vrai que les agents en poste détiennent des diplômes universitaires, mais au cours des trois dernières décennies, ils ont rarement acquis l’expérience nécessaire et suffisante pour faire que les performances des institutions soient améliorées systématiquement et, surtout, évaluées sur la base de règles sanctionnant les résultats atteints par les services de l’Etat. Sans ces compétences ainsi que leur capital expérience, et, notamment, sans les influences exogènes, leurs performances continueront de faire du surplace au grand dam de la population.

Mieux encore, en matière d’administration générale, et à titre indicatif, si l’équilibre n’est pas développé entre la stratégie générale, les activités opérationnelles et les ressources humaines, sans de nos jours ignorer la numérisation, l’échec sera toujours au rendez-vous. Afin d’y remédier, il importe de lier ou d’arrimer la stratégie avec les opérations (1) de terrain qui doivent être menées d’abord par des autorités qualifiées et avérées ; développer en continu des relations avec les organismes intéressés, les employés, les usagers, les partenaires et, bien entendu, les institutions ; perpétuer et insister sur l’amélioration des compétences et des capacités professionnelles des opérateurs à tous les niveaux, et ce par des formations de courte durée et en mode continu.

En matière de développement organisationnel, j’ai croisé, des «experts» algériens de «haut niveau». Ils étaient fiers d’être appelés à proposer des démarches pour résoudre des problèmes dans certains secteurs d’activité. Très compétents là où ils exercent, ils n’ont pourtant aucune expérience opérationnelle en Algérie. Leurs interventions resteront un échec qui coûte cher.

Dans toute organisation, le déploiement des compétences et des expertises s’opère en fonction de ses stratégies et de ses plans d’action. Cependant, cela ne semble pas être un facteur déterminant dans celles du gouvernement. Et c’est peut-être pour cela qu’il est légitime, depuis le Hirak, que le commun des mortels pense que le président de la République a beau mettre de l’avant ses réformes et les changements qu’il a entrepris depuis son élection, l’insatisfaction est toujours présente et même les défenseurs, les vrais, ceux de l’Etat, doutent des résultats des décisions énoncées. L’incompréhension persiste encore sur les motifs du manque de discernement qui fait que l’intelligence et la raison du service public ont été évacuées des différents processus de stabilisation de l’Etat.

Le cas de la justice et celui de l’éducation nationale en sont un bon exemple. Lorsqu’il faut patienter que les mises à niveau soient faites, les appréhensions au sujet des cas traités créent le tourment qui se transforme en égarement. Surtout qu’en la matière, les décisions judiciaires se prennent encore et encore sur diverses influences que subissent des magistrats et c’est toute la confiance en la gouvernance qui est vulnérabilisée. Parmi les cas les plus sensibles, celui des détenus d’opinion, qu’il faut distinguer des subversifs, embarrasse et gêne bien des citoyens. Oui, personne n’ignore que la justice est intransigeante, cependant, il y a toujours eu un minimum de circonstances atténuantes pour alléger les peines et rendre ces égarés illusionnés, aussi subversifs soient-ils, à leurs familles et à la vie civile, même avec des restrictions civiques temporaires, mais légales.

Les autres affaires nationales et la diplomatie

Sur un tout autre chapitre, il y a de cela quelques mois, dans ces mêmes colonnes (2), j’avais mis l’accent sur les succès de la diplomatie algérienne. Des succès palpables, puisqu’il est question d’une continuité pour ne pas dire d’une permanence de l’œuvre des aînés durant la Révolution du 1er Novembre 1954. Ils ont été consolidés par de nouvelles percées observées que ce soit en Asie, en Afrique, en Europe ou dans le reste du monde. L’un des faits marquants est le mandat obtenu pour siéger au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Membre non permanent, elle saura prendre part aux échanges, notamment en portant la voix des pays victimes des retombées d’un ordre mondial à l’agonie et bâti par des puissants sans scrupules.

Toutefois, on relève un ralentissement pour ne pas dire un engourdissement des activités. Que ce soit sur le plan régional et méditerranéen, avec le renforcement des relations avec la Turquie et celui de la coopération avec l’Italie, ce qui n’est pas le cas avec la France. Les affaires étrangères carburent bien me dira-t-on, cependant, il est évident que la stratégie a changé au regard des enjeux nouveaux. En matière de gouvernance des Etats, le changement des leaders et autres animateurs de la politique nationale découle des nouvelles stratégies que le pays met en œuvre. La diplomatie procède de la même démarche : elle sert les intérêts du pays. Cela ne peut pas se faire en raison de situations qui font que ces enjeux sont mal perçus ou créent des adversités entre les animateurs gouvernementaux.

«Communauté» ou «communautés» ?

Dans son discours sur l’état de la nation, le président de la République a mis en avant son soutien aux communautés algériennes vivant à l’étranger et particulièrement la plus proche, c’est-à-dire celle qui réside en France en particulier et en Europe en général. Deux axes ont été mis en exergue : d’abord la perte de sens des gouvernants français et autres européens, ensuite les contingences politico-économiques avec leurs effets sur le social, qui devraient inciter les Algériens à regarder vers la mère patrie. Or, nous savons qu’en France, la communauté est stratifiée. Plusieurs segments ou catégories de binationaux, de générations, de résidents, de sans-papiers, sans compter ceux qui se revendiquent comme algériens parce que natifs d’Algérie.

Les modifications apportées à la loi sur l’immigration ne sont pas sans effets sur les enjeux générés par les liens avec l’ancienne puissance coloniale. Nous savons que le laxisme a dilué les appartenances, non pas et seulement, aux anciennes colonies devenues indépendantes depuis plus de soixante années, mais a, aussi, englouti bien des ressortissants dans les espaces communautaristes et idéologiques. Alors, une toute petite question bien singulière me vient à l’esprit : que ce soit la Fédération des Algériens en France ou le nouveau venu, le MOUDAF, ont-ils procédé ne serait-ce (qu’au) recensement des binationaux qui œuvrent dans les nombreux domaines d’activité ? La question se pose aussi pour les autres associations d’Algérie dans le reste du monde.

Pourtant, avant de revendiquer quoi que ce soit, le seul cas de la sensibilisation et de la mobilisation des communautés algériennes montre que les services diplomatiques, comme les organisations de la société civile, sont hors-jeu. Les ajustements nécessaires mettent du temps à se concrétiser, alors que la participation des Algériens à l’étranger est un atout certain face aux adversaires et, essentiellement, aux ennemis du pays.

Par ailleurs et pour conclure, un récent sondage (décembre 2023) laissait apparaître des clivages menant à la rupture avec les ratonnades des années 50 et 60, pour s’orienter vers la chasse aux musulmans, avec les Algériens en ligne de mire. Nous savons qu’un sondage est une image instantanée d’une situation qui n’est pas sous contrôle. L’islam, y compris celui pratiqué en France, comme celui du reste du monde, est hétéroclite et complexe, ne serait-ce que par le schisme sunnisme-chiisme. Il est aussi diversifié que les cultures qu’il habite. Il peut réunir, mais ne saurait unir des Turcs, des Sénégalais, des Maliens, des Nigériens, des Egyptiens, des Qataris, des Ouigours, des Albanais, des Bosniaques, même des convertis de tout bord, etc. Et les politiques français ont de quoi toujours diviser pour s’opposer à une force qui, si elle était unie, nuirait à la cohésion sociétale et républicaine française. Cependant, ils ne peuvent ni évaluer ni s’opposer à des communautés qui ne veulent pas être assimilées, mais seulement intégrées comme citoyennes à part entière.

En France, un ressourcement de la citoyenneté est peut-être nécessaire, non pas sur la base du seul triptyque – liberté, égalité, fraternité –, trois concepts complémentaires mais souvent mal perçus ou quelque peu érodés, parce que, de nos jours, distants de la laïcité. Cela réduit à néant la conception de la fraternité servie en fonction des idéologies partisanes. Par conséquent, ce ressourcement recadrerait les prises de position dans la stricte conception républicaine. Bon ! Bien entendu, c’est, là, une affaire française qui nous concerne seulement de loin, mais que les liens historiques remettent au goût du jour seulement lorsque les droites viennent polluer l’ambiance.

En revanche, les choix nouveaux de l’Algérie devraient être simples. Ils doivent être tournés vers le bien- être du citoyen. Citoyen, c’est ce concept qu’il faudra définir de façon explicite dans la Constitution.

F.-R. C.

Analyste Senior, Groupe d’études et de recherche Méditerranée Amérique du Nord (German)

1) Gestion des entreprises : amélioration systématique des performances et activités opérationnelles stratégiques, Mémoire de fin de cycle INPED, juin 1991. Mise à niveau ESG : UQAM.

2) https://www.algeriepatriotique.com/2022/06/01/la-politique-exterieure-dun-pays-est-le-reflet-de-sa-politique-interieure/#comments

---------------------------------------

Aussi dans Algérie Patriotique : https://www.algeriepatriotique.com/2024/01/02/transformations-internationales-effets-en-fonction-de-la-posture-de-lalgerie/#comments 

19 déc. 2023

Un Numide en Amérique du Nord - 374

POUR UNE IMMIGRATION QUALITATIVE

Une immigration qualitative

 

Seuls ceux qui ne s’informent pas ignorent …


Durant les mois
 de septembre et d’octobre 2023, quatre évènements politiques ont attiré l’attention des uns et des autres. D’abord, au Québec, le rideau est tombé sur les travaux de la commission des relations avec les citoyens de l’Assemblée nationale qui menait une consultation, depuis le 12 septembre 2023 au 28 septembre 2023, sur la planification de l’immigration pour la période 2024/2027 et sur la partielle de Jean Talon (Capitale nationale) qui a vécu un vote sanction contre la CAQ au grand bénéfice du parti Québécois. Ensuite, dans le reste du Canada, l’élection à la présidence de la chambre des communes du premier Québécois de couleur et au Manitoba celle d’un premier ministre autochtone constitue deux événements non négligeables pour le pays.


Pour le Québec, l’élection du candidat du PQ est un tour de force qu’il faut applaudir à la fois pour signifier que la CAQ a fait de la politique politicienne et ne peut se jouer de la confiance des citoyens comme elle l’entend alors que le parti souverainiste (je n’aime pas ce concept et je lui préfère indépendantiste) a œuvré savamment pour renaitre de ses cendres à charge pour sa direction et ses membres de considérer tous les citoyens comme partie prenante de ce grand projet qu’est la réalisation d’un pays.   


De la planification : On ne planifie pas le passé mais l’avenir


Ce sujet sur lequel tout le monde et personne n’a de prise tellement il est complexe, la planification de l’immigration reste un sujet sensible tant pour les Québécois que pour les immigrants.  Je laisse la question des seuils d’immigration suggérés par le gouvernement et ses partenaires du marché du travail aux spécialistes et autres experts pour nous informer de leur savoir afrin de résorber la pénurie de main d’œuvre qui sévit dans cette partie de l’Amérique du Nord, sachant la pression sur la vacance des emplois, estimé à environ 200.000.


Cependant, quelques effets et conséquences de ces seuils font que le manque de main d’œuvre expérimentée provoque des mots de tête au sein des organisations qui ont la charge d’accueillir, d’orienter et de soutenir les immigrants quant à leur intégration socioculturelle et ceux qui ont la charge de leur insertion socioprofessionnelle. Aborder la question selon un décryptage sociologique n’intéresse pas beaucoup de monde mais l’immigration a des effets non seulement sur la société d’accueil mais aussi sur les communautés ethnoculturelles.

 

Donc, parler du nombre seulement en termes d’emplois à combler tout en mettant de côté les profils et les qualités des immigrants c’est occulter bien des paramètres dont les effets sur la société d’accueil sont tangibles. Mieux encore parmi les conséquences multiples que j’anticipe la plus pénible est celle de voir, se reproduire, encore et encore, une société québécoise à plusieurs strates sociales séparées. Une société en silos. Comme dans les quartiers multiethniques de l’agglomération de Montréal. Alors, se pose une question cruciale : comment réussir l’inclusion, si chère à beaucoup, si à la base, les communautés en provenance de bien des régions du monde sont séparées par des barrières avérées, évidentes mais invisibles ?


Sur le plan professionnel, le monde du travail est en perpétuelles transformations. Des changements de fond notamment avec l’introduction de la numérisation, la robotisation et l’utilisation des ordinateurs ont bien entendu des effets multiples sur les individus que ce soit en rapport avec l’organisation professionnelle ou la société dans son ensemble.  Les habitudes de travail changent et le facteur humain doit être observé autrement que par le passé. L’apport de l’immigration est certes essentiel dans un Québec qui a un besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer. Mais peut-il le faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à son histoire, à son identité, à la formation d’une société nouvelle ?


L’immigration et le Québécois Nouveau

 

L’avenir du Québec n’est-il pas dans le changement du profil citoyen ? Pour ce Québécois Nouveau qui se dessine à l’horizon, l’apport de l’immigration est certes essentiel dans un Québec qui a un besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer. Mais peut-il le faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à son histoire, à son identité, à la formation d’une société nouvelle ? Oui ! Le Québec peut se refaire en changeant les attributs du citoyen actuel en ceux du Québécois Nouveau. En revanche, l’apport de l’immigrant doit tenir compte des paramètres communs et des paramètres spécifiques pour ne pas générer un Québécois hybride qui fonctionne avec deux entités en lui.


Intégration socioculturelle V/s cloisonnement et enfermement


Nous savons que la société québécoise n’est pas structurée comme les sociétés d’origine (Africaine, Asiatique, Européenne et Moyenne Orientale …) des immigrants que ce soit sur le plan communautaire, culturel, identitaire et social.  La cellule de base, soit la famille, est totalement rénovée en fonction des changements sociétaux qu’a connu le Québec depuis la révolution tranquille ce qui n’est pas le cas des autres cellules de base des immigrants. L’égalité des droits y est consacrée. L’apport des communautés est réduit à une simple présence dans la société sans les effets positifs qui devraient découlés d’une participation citoyenne d’où l’enfermement et le cloisonnement. Même, les jeunes immigrants qu’ils soient arrivés avec leurs parents ou nés ici, finissent, presque tous, par s’enfermer dans leurs communautés et deviennent les témoins d’un rejet qu’ils n’ont jamais voulu et contre lequel ils finissent par s’ériger.


L’immigrant qui arrive dans la province vit plusieurs chocs, largement documentés par des recherches souvent ponctuelles et dont les recommandations lorsqu’elles existent sont sans effets concrets sur les groupes sociaux. Les plus connus de ces chocs est celui de la culture divisée en choc du départ et choc de l’arrivée. Mais aucune recherche, du moins à ma connaissance, ne parle du choc industriel, du choc thermique, du choc technologique, du choc de la non-reconnaissance des acquis hors du Québec et du grand choc sociétal. En effet, l’immigrant observe et constate, par exemple, que le fonctionnement des familles au Québec n’a rien à voir avec celui qui est le sien et pour cause, d’où qu’il vienne le nouvel arrivant ne connait que l’organisation patriarcale à qui il appartient. Il s’agit d’un premier choc identitaire qu’il le confronte dans son nouveau pays.  Il s’y adapte en s’enfermant dans sa communauté. Enfermement préconisé par le multiculturalisme du Canada. C’est le lieu de génération de la colère, de l’angoisse, du stress, etc. qui deviennent la source de mille et un trouble. L’une des premières conséquences de cet état de fait est un enfermement sur soi qui ne dit pas son nom. Rien n’est fait pour expliquer au nouvel arrivant l’évolution le développement, les progrès – académiques, culturels, identitaires, industriels, commerciaux, sociétaux - qu’a réalisé la société Québécoise en un peu d’un demi-siècle.

 

Insertion socioprofessionnelle

 

L’industrie, le commerce et tous les secteurs d’activités ainsi que l’éducation et la santé au Québec ont des organisations qui ont été pensées et mises en œuvre par des québécois pour des québécois.  Ils se sont développés depuis des décennies pour devenir à la fois performantes et efficaces mais en ce siècle de changements majeurs des espaces, de l’environnement, des normes du travail, de l’apport important des immigrants avec des statuts multiples, ils ont atteint leur niveau d’obsolescence le plus critique. La nomenclature et les organigrammes des emplois se modifient au fil des avancées professionnelles qu’elles soient organisationnelles, fonctionnelles, technologiques et logistiques en milieux industriel, commercial, dans les centres d’études et de recherche, sans occulter le droit du travail, mais la mise à niveau des définitions des tâches des emplois et des organigrammes ne semble pas être à l’ordre du jour.  Que ce soit en provenance d’Europe, d’Afrique, d’Asie ou d’Océanie les nouveaux arrivants ne font pas toujours le lien entre l’évolution de la société d’accueil et celle du monde de l’industrie, du commerce, de l’éducation (tous paliers confondus), de la santé ... etc.

 

Qu’en est-il des jeunes ?

 

Le nouvel arrivant adulte, qui arrive en famille avec un, deux, trois et parfois quatre enfants, vit une autre problématique que celle vécue par un célibataire venu étudier au Québec. Elle se décline par l’appréhension du futur pour les enfants. L’immigrant a quitté son pays pour mille et une raisons et, notamment celle d’offrir un avenir meilleur pour ses enfants. Cette situation prend une autre dimension pour le célibataire qui vient étudier avant de s’installer au Québec mais une fois marié (conjointe venant de son propre pays ou née elle-même ici au Québec) lui apparait le spectre de la culture, du culte, de l’identité et de la langue maternelle qu’il voudrait offrir à ses enfants ... Mais … il se heurte à bien des tabous, des clichés, des préjugés, etc.

 

Ce que j’observe tous les jours, malgré ‘’l’éducation nationale’’ souvent inadaptée aux attentes des familles, c’est l’incertitude, l’inquiétude, la frustration innommables qui génèrent des attitudes, des comportements, pas ou mal documentés, pour y faire face. Ces nouveaux arrivants et leurs enfants se réfugient dans leur ‘’bulle’ et ne participent pas aux développements et au progrès de la société Québécoise, si ce n’est que pour résoudre des problèmes communautaires, éducatifs et par extension sociaux sans risque de bénéficier des bienfaits du système qui ne profitent qu’à ceux qui en ont appris les rouages et les failles.   

Les familles issues de l’immigration veulent être considérées dans leur entièreté citoyenne. Des programmes sociaux devraient être pensés et mis en œuvre rapidement pour une meilleure intégration socioculturelle des nouveaux arrivants et de tous les autres immigrants. La connaissance de la société d’accueil et le rapprochement avec cette société devraient être privilégiés, non pas seulement, comme une inclusion à sens unique mais une intégration multiforme en développant des programmes d’ouverture à la société d’accueil, pour les familles et leurs jeunes, issus de l’immigrations (éducatifs, culturels, industriels, etc…).

 

Par ailleurs, la métropole Montréalaise, ne doit pas être vue comme une ‘’ile fermée’’ sur elle-même mais s’ouvrir aux régions d’abord limitrophes et ensuite à toutes celles du Québec, la réciproque étant valable. Cela pourrait se faire par le développement de programmes d’exploration du Québec profond pour amener les jeunes à s’intéresser aux régions, à leurs cultures, à leurs fonctionnements institutionnels et même administratifs et voir la compatibilité avec leur apport à tout le Québec.

 

Apprentissage du français pour les allophones et pour les monolingues :

 

Une fois au Québec, apprendre le français dispensé comme durant les années ‘’60 et 70’’ est une d’une impertinence innommable alors que les immigrants viennent d’Asie, d’Afrique, du Moyen Orient et d’ailleurs. Cela n’aide en rien à sa maîtrise. Il est plus facile et plus simple de dispenser des cours de français pour un immigrant en provenance d’un pays ayant subi la colonisation française que pour un autre en provenance d’une ancienne colonie britannique, d’un pays méditerranéen que d’un pays du pacifique.

 

La santé psychique des NA

 

À la fin de la pandémie, j’ai constaté trois paramètres troublants chez les nouveaux arrivants résident au Québec depuis un peu moins de trois ans. Leur vulnérabilité après avoir été confiné alors qu’ils n’avaient pas les moyens de subsistance minimale. (Aller chercher de la nourriture à la banque alimentaire ne faisait pas partie de leurs habitudes de vie - dignité oblige). La perception qu’ils avaient du regard de membres de leur communauté était dégradante. Le fait de ne pas avoir trouvé un emploi selon leurs attentes était considéré et reste considéré comme une atteinte à leur intégrité professionnelle. Leur état de santé psychique s’évaluait au niveau de la colère, de l’angoisse, de l’anxiété du stress qu’ils vivent … et les inviter à visiter le CIUSS pour rencontrer un travailleur social était un cheminement ne faisant pas partie de leur pratique sanitaire.

 

Conclusion

 

L’immigration ne doit pas être seulement une réponse aux besoins quantitatifs dans le monde du travail. Elle doit aller de pair avec la qualité des profils multiples de ces personnes qui sont appelés en renfort pour stabiliser une démographie du Québec en chute libre et des besoins tant industriels et commerciaux, culturels, sanitaires qu’éducatifs. Retenons que pour arriver au Québec, les immigrants suivent des étapes qui ont montré leur résolution à quitter leurs pays d’origine. Ils ont aussi fait preuve d’entreprenariat et de respect des lois du pays d’accueil. Ils ont répondu à divers critères qui ont permis leur sélection … cependant et au comble de leur insatisfaction, ils constatent, une fois au Québec, qu’ils doivent débuter, sans une certitude avérée un autre cheminement que personne n’a anticipé. La première désillusion les confronte durant le premier mois de leur installation avec pour conséquence le rejet de la société d’accueil en raison de tous les nouveaux écueils qu’ils rencontrent sur leur cheminement pendant au moins une décennie.

 

L’immigration doit être qualitative avec une anticipation, une prévision, une programmation tenant compte des besoins et des attentes de toute la société. En cette ère de grandes incertitudes mondiales, elle doit viser à ne pas altérer en profondeur les fondements de la société d’accueil et ne pas corrompre les attributs des groupes ethniques en pensant que leurs progénitures de deuxième et troisième génération s’intégreront totalement. Elle doit être pensée pour rassurer les communautés ethniques que les valeurs auxquelles elles sont attachées pourraient être un plus pour la société d’accueil et la réciproque étant vraie. L’immigration doit être repensée pour faire partie d’un projet de société plus large et plus globale. Celui d’un pays qui veut se renouveler et rester parmi les plus progressistes et les plus accueillant au monde mais aussi selon les exigences de la durabilité pour le Québec

 

Ferid Racim Chikhi

Un Numide en Amérique du Nord - 377

Le Revenant : la société kabyle du temps des Ottomans et des Espagnols Un village de Kabylie. D. R. Par Ferid Racim Chikhi  – Le 27 janvier ...