5 avr. 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 102 -

L’exploration de l’autre -2-
Ils ne savent rien de nous.
Après l’euphorie de l’arrivée, Oksana a frisé la dépression parce que tout son savoir et son savoir faire ont été rejetés du revers de la main par des recruteurs y compris d’institutions gouvernementales, des employés et même le registrariat d’une université, même si après mille et une démarches elle a fini par accéder à une inscription en doctorat. Cela n’a pas empêché certains professeurs de lui faire faire des travaux de recherche qu’ils ne pouvaient mener à terme selon leurs propres compétences. Le résultat est simple à deviner : appropriation indue des conclusions de ses recherches.
Dés le début de sa dépression elle m’a fait part de son désarroi. Nous avons échangé sur la frustration qu’elle ressentait parce qu’elle ne trouvait pas un emploi en conformité à ses attentes. Lorsque je lui ai suggéré de rencontre un psy elle a souri, me regarda droit dans les yeux et me lança visiblement excédée : crois tu que je peux leur faire confiance ?  Ils ne savent rien de nous. Elle me rappela qu’une fois inscrite au doctorat en informatique, les employeurs qu’elle a contactés ne voyaient que celui avec lequel elle est arrivée au Québec mais non reconnu à sa juste valeur. Ils la remercièrent d’avoir offert ses services mais personne parmi eux ne voulait la recruter sauf pour un emploi de technicienne niveau collégial.
Un jour elle a étalé sept des qualificatifs qu’elle connaissait pour exprimer sa colère et sa frustration : Insatisfaction. Tristesse. Contrariété. Désagrément. Chagrin. Désillusion. Dépit. Une fois énumérés dans le désordre elle les a classés par ordre alphabétique : Chagrin, contrariété, dépit, désagrément, désillusion, insatisfaction, tristesse. Voilà, me dit-elle, le mur que je dois abattre pour être acceptée avec mes valeurs, mes compétences et mon expérience. Quelques temps après elle s’est mise à les proposer en mots croisés.
Dans nos discussions nous avons comparé ce que nous avons laissé derrière nous en quittant nos pays respectifs. Je cite Oksana, comme je pourrais parler de Simon un Ivoirien, Jean Jacques un Français originaire de Madagascar, ou encore Svetlana une Serbe, Mirela une Lithuanienne, Shérif un Bosniaque, Geneviève une Congolaise et bien d’autres … je le fais parce que récemment, mon frère Lamine, m’a invité à poursuivre ma réflexion en mettant en exergue Ce qui manque fondamentalement aux pays du Sud et qui se doit d'être réalisé (ou concrétisé ou encore réuni) pour qu'ils gardent leur jeunesse.
Il est vrai que l’idée m’a interpelée et avant d’aborder cet aspect des choses je me suis laissé prendre par les premières images qui défilèrent devant moi. …
A suivre
Ferid Chikhi

31 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 101 -

L’exploration de l’autre -1-
A la rencontre des autres …  
Il y a des moments dans l’existence d’un individu qui lui font prendre conscience des chemins de vie qu’il emprunte et qu’il n’a jamais imaginé parcourir de sa naissance à l’ultime seconde de son existence. D’aucuns diront que c’est une lapalissade. J’en conviens. Mais il arrive que les évidences ne soient pas perçues de la même manière par tous.
Il existe aussi de précieux instants de la vie de tout un chacun qui mettent en relation des personnes qui viennent des quatre coins du monde et qui sont à la fois des moments sublimes de vérité pour au moins deux raisons : La première est que ces précieux instants n’ont pas été pensés, prévus ou planifiés. La seconde est que ces personnes arrivent à communiquer, à échanger et à converser quand tout les différencie. Alors qu’elles sont distinctes les unes des autres, ces personnes sont aussi et à la fois uniques et semblables.
Depuis pas moins de 45 ans, j’ai rencontré des hommes, des femmes, des enfants avec des personnalités différentes mais fort marquantes. Des personnes qu’on n’oublie pas. Les uns avec des parcours fabuleux et d’autres ayant une vie tout à fait modeste, paisible et tranquille. J’ai aussi rencontré des individus dont la fréquentation est tout à fait répréhensible. Heureusement, pour beaucoup de ces jonctions tout est resté aux premiers balbutiements. Par contre, pour bien d’autres c’était l’initiation d’une sympathie partagée et profonde, d’une entente singulière, d’une compréhension mutuelle, d’un attachement et d’une estime partagés.
Cette initiation est, souvent, partie du simple croisement de nos regards, de l’échange de mots simples d’une phrase de contact. C’est aussi par une observation ou un commentaire pertinent que le lien se crée. Mais il arrive qu’un constat sur un segment de nos cheminements de vies soit le déclic d’une amitié profonde.
Pour illustrer ces deux parties, la répréhensible et la positive, je commencerai par la seconde et je tenterai d’oublier la première. Ma rencontre avec une Amie originaire de Roumanie en est un bon exemple. Il n’y a pas si longtemps de cela ; environ une demi-dizaine d’années, je l’ai rencontrée. Elle est arrivée à Montréal, presqu’à la même époque que moi. Comme un grand nombre de Roumaines et d’immigrants des pays de l’Est de l’Europe et d’ailleurs, Elle pourrait étaler ses diplômes en mathématiques et en informatique, son savoir faire et ses compétences tout en faisant concurrence aux meilleurs sommités du domaine, ou considérées comme telles en Amérique du Nord.  Je ne parle même pas de ses origines familiales et sociales, tout à fait nobles. …
A suivre
Ferid Chikhi

26 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 100 -

Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro -5-
L’exil c’est aussi faire le deuil d’un passé …
Dans mes différentes perceptions je me suis rendu compte que je faisais la distinction entre l’immigration et l’exil de ceux qui se sont rendus en Europe et de ceux qui viennent en Amérique du Nord. Même si dans leur essence ils sont identiques. Cependant, la distinction que je fais se situe au niveau des conditions de départ et celles de l’implantation. L’environnement social, culturel et politique n'est pas le même. Venir au Québec, au Canada, en Amérique du Nord c’est traverser l’océan et, même si ce n’est pas par bateau, ça reste loin. C’est vivre le mythe de la liberté en terre de liberté. C’est valider que c’est possible parce que cela existe.
Le Québec, c’est immense, c’est aussi grand et même plus vaste que le Sahara. Le temps, la distance, et l’espace ça fait trop de choses à la fois. J’y ai réfléchi plus d’une fois. Une sensation particulière m’envahissait chaque fois que j’y pensais.
J’angoissais et la peur me prenait au ventre. Cela a été suivi par de l’appréhension, de l’inquiétude et parfois le doute m’envahissait. Mais l’enthousiasme a vite pris le dessus et ma motivation me survoltait au point de me faire oublier mon demi-siècle de vie passée ailleurs. Ce n’est que bien plus tard en analysant mon installation que j’avais compris que ma prise de décision était différente de celles des autres nouveaux arrivants, différentes des milliers d’exilés et de ceux qui se sont rendus en Europe.
Si au final, le Québec a été retenu, c’est tout simplement parce que trois conditions majeures étaient réunies. La 1ere  étant la Liberté dans laquelle La Belle Province baigne ainsi que ses citoyens. La 2nd est la sécurité et la protection que chacun ressent dans son vécu de citoyen. La 3ième est à la fois la langue française - même en tant que langue de colonisation* - associée aux valeurs d’égalité. C’est ce qui m’a le plus impressionné lorsque je suis arrivé à Montréal.
Ce, à quoi je m’attendais des mois auparavant, je le regardais et je le voyais. Je l’écoutais et je l’entendais. Je le vivais jour après jour. Tout était dans le mouvement, dans la découverte de choses vraies. Un pays, une province, des gens. En fait, pas seulement des gens mais des citoyens. Des habitudes de vie, des Us & des Coutumes qui ‘’tassent’’ les premières. Ça fonctionne comme pour un ordinateur qu’il faut reformater.
Pour m’intégrer j’ai décidé de changer mes paradigmes en appliquant trois principes québécois. ‘’Faire le deuil d’un passé. Apprendre à mieux me connaître. Me constituer un réseau de contacts’’. Le tout fondé sur un principe propre aux Amazighes : ‘’Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro’’.
Ferid Chikhi
* Avant la colonisation française de l’Algérie la langue première a toujours été le Tamazight et la langue seconde l’Arabe. Pendant 132 ans le Français a été la langue du colonisateur. Après l’indépendance du pays l’Arabe est devenu la langue officielle supplantant le Tamazight et le Français reste cependant la langue de travail mais en voie de diminution

Un Numide en Amérique du Nord - 378

  Pour un Québec émancipé et indépendant ! La société des Québécois et les Sociétés d’immigrants !? Depuis quelques mois, les discussions vo...