11 sept. 2021

Un Numide en Amérique du Nord - 355 -

Algérie : Les défis de la bonne gouvernance

Le propos qui suit est la synthèse d’une analyse conjoncturelle plus fournie de la situation de l’Algérie au moment où elle rencontre des turbulences les unes plus

denses que les autres. Certes il y a les acquis du Hirak parmi lesquels se comptent l’éviction de bien d’un président et de ‘’responsables’’ qui ont été corrupteurs ou corrompus ainsi que des gestionnaires cooptés et incompétents. Il y a aussi la prise de conscience générale qui ne cesse de cibler la mutation d’une gouvernance en déphasage avec les aspirations de pans entiers de la société et les causes, même si elles sont multiples, peuvent se résumer en un seul sous-titre : une nouvelle forme de centralisation des pouvoirs face au désordre et à la confusion.

Les dossiers chauds de l’été 2021

Au cours l’été 2021 des évènements majeurs ont inauguré de façon remarquable la gouvernance du Président Tebboune qui ne cesse de répéter qu’il œuvre selon les attentes des Algériens. En effet, ces derniers dès le mois de février 2019 exprimèrent leur rejet du système mis en place par ses prédécesseurs et bien entendu ceux qui l’ont intronisé. Depuis, l’Algérie vit des changements potentiels mais sans pour autant qu’ils répondent avec satisfaction aux attentes du citoyen.

La machine gouvernementale peine à démarrer en raison d’impondérables qui freinent la dynamique impulsée contre vents et marées par les ‘’nouveaux cooptés’’. Parmi ces impondérables le premier est sans conteste les effets de la pandémie du Covid que l’on observe encore ; les incendies qui ont ravagé la Kabylie et les forêts de l’Est du pays ; qu’ils soient de sources ‘’naturelles ou criminelles, l’État, ses gouvernants et ses élus sont restés invisibles. Fort heureusement, la solidarité agissante des citoyens venus de partout a permis la cautérisation des premières blessures. Déjà profondes elles ont été observées dans le corps sociétale du pays. Ily a ensuite le deux poids deux mesures de la justice algérienne qui bat le record des décisions de détentions de militants activistes de la société civile. Un autre fait reste aussi sans conteste la ’déclaration de guerre’’ du voisin de l’Ouest sous la houlette de son partenaire proche oriental. Bien heureusement, l’offensive stratégique et gagnante menée de main de maître par la diplomatie Algérienne avec un ressourcement approprié aux fondements de ce qui a fait sa grandeur durant la révolution Algérienne et par une mise en œuvre intelligente d’une stratégie gagnante. Dans l’absolu, la désignation de chargés de missions pourrait être qualifiée de pertinente mais elle suggère que les rouages en place sont dysfonctionnels et laissent place à la spéculation et à la confusion. Cependant, force est de constaté que la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc et l’action fort judicieuse de sortir Israël, l’usurpateur, de son statut d’observateur au sein de l’UA remettent les pendules à l’heure. Ces actions sont applaudies par la quasi-totalité des Algériens, mis à part quelques séditieux qui se prennent pour des révolutionnaires. Quant aux relations entre les deux peuples, mises de l’avant par quelques éditorialistes en manque de prestige, les politiques savent qu’il existe une profonde incompatibilité entre la sujétion de l’un et la citoyenneté de l’autre.

Une marge de manœuvre très réduite

Revenons à l’action domestique, le constat a été fait depuis fort longtemps au sujet de la distance qui existe entre le pouvoir en place et la population. Il est même expliqué par la faiblesse pour ne pas dire le manque de communication et d’information. Le Président Tebboune, considéré par beaucoup d’illégitime, tente de gérer différemment tous les dossiers mais les urgences majeures de l’été 2021 ne lui laissent qu’une marge de manœuvre réduite. Pour y remédier il conçoit un plan d’actions interdisciplinaires, et personne ne dira que cela n’est pas bien. Le système évolue et se transforme mais quatre paramètres sont occultés : le premier concerne l’inexistence d’un diagnostic sérieux du leg des anciennes gouvernances, exception faite de la diplomatie qui change dès lors que son inaction ou sa passivité d’avant le Hirak exigeaient un redressement. Le second est celui de la question des valeurs et des principes éthiques qui ailleurs guident les actions des acteurs et autres opérateurs. Cela s’observe dans le modèle de sélection de ceux qui auront le devoir de le réaliser. Le troisième touche aux remplaçants qui sont toujours pris dans le sérail et ils ne sont pas sélectionnés en toute transparence malgré leur profil fort intéressant. Le quatrième qui reste selon bien des analystes le plus fondamental réside dans la pédagogie qui porte ce plan et à laquelle les experts/auteurs n’ont pas du tout pensé.

La centralisation des pouvoirs face au chaos

On ne le dit pas assez, mais qui n’a pas observé que le monde a amorcé depuis plus d’un demi-siècle des changements majeurs ? Même la nature n’épargne pas l’humanité via des bouleversements multiples les uns plus violents que les autres et provoquent des désordres dans tous les rouages organisationnels qu’ils soient sociaux, économiques, culturels et bien entendu politiques.

Donc, si ce ne sont pas seulement les guerres qui génèrent des troubles et le chaos que beaucoup qualifient d’incontournables, c’est aussi la nature et le climat qui provoquent des dérèglements face auxquels l’être humain ne peut rien faire si ce n’est subir et patienter que ‘’la tourmente’’ passe. Le pire c’est qu’en dépit des avertissements lancés par les plus lucides et faute de protections annoncées, ce sont les plus faibles, les plus démunis, ceux qui vivent déjà dans la précarité qui sont les plus asphyxiés par des troubles accablants que même le temps ne saurait guérir.

La communication et l’information

Dans toute déclinaison de mécanismes de gouvernance convenablement ordonnés la communication et l’information font parmi des fondements les plus solides des liens entre les gouvernants et les gouvernés. Les temps modernes ont produit des technologies qui permettent à l’information de circuler instantanément et parvenir aux récepteurs en temps réel. N’importe qui peut dire n’importe quoi, sur tous les sujets qui lui parviennent par un moyen ou un autre. Ce qui donne, à titre indicatif, le bouillonnement généré par les réseaux sociaux.

Si l’État et les gouvernants algériens ne se mettent pas au diapason des technologies de l’information et de la digitalisation l’issue sera à tort ou à raison la remise en question systématique de leur crédibilité qui s’érode encore plus au fil du temps. La gouvernance de l’Algérie malgré des changements d’hommes (avant il était question de chaises musicales) vit cette problématique et rien ne semble aller dans le sens de l’obtention de résultats probants. Pourtant, les remèdes existent et peuvent être prescrits sans pour autant empêcher les oppositions de s’exprimer. La liberté d’expression des uns et des autres est une condition sine-qua-none pour la préserver et en faire un outil d’orientation nécessaire et suffisant. Trouver les moyens légaux pour mettre hors d’état de nuire les influenceurs qui veulent la division de l’Algérie est une action de bon augure mais cibler systématiquement toute personne porteuse de différences et l’empêcher comme étant subversive, sans arguments portés à la connaissance du public. C’est à ce niveau que la pédagogie intervient pour expliciter les causes de cette problématique et les solutions préconisées et surtout éviter l’analogie avec une période à jamais révolue mais qui a perduré 130 ans.

Ce pourquoi nos aînés ont lutté, ce sont entre autres, le recouvrement de la souveraineté nationale, les libertés fondamentales ainsi qu’une justice égalitaire et humaine et cela ne doit en aucune manière être occulté. Il importe de gouverner avec la transparence la plus crédible et pour ce faire, il faut bien distinguer la communication de l’information et les deux de ce qu’est la désinformation notamment subversive. Dans le déroulement du plan d’actions du Président, le ministre de la Communication parle des nouveautés pour contrer la désinformation, il s’agit d’action proactive et de vision prospective, cependant qu’en est-il des fondements de cette pensée qui localement ne tiennent pas compte de la liberté d’expression élémentaire. La libération de la parole, l’expression de la pensée diversifiée sont essentielles si l’on veut fonder une société civile vigilante et surtout consciente de sa force pour accueillir les décisions gouvernementales. Or, prenons n’importe quel site Internet de n’importe lequel des ministères … Tout est figé !

Le plan d’actions du gouvernement.

La dernière étape de la rénovation organisationnelle qui débutera à la fin novembre 2021 marquera la mise en place de l’organigramme institutionnel et le lancement des actions prévues dans le nouveau plan de redressement du Président Tebboune.

Le simple fait que ce plan énonce le besoin de lois régissant la liberté de réunion et de manifestation, la promotion du mouvement associatif et l'exercice de l'activité des partis politiques, la liberté de la presse ainsi que la sécurité des personnes et des biens est la preuve tangible que les paramètres de la gouvernance précédente étaient obsolètes. Par ailleurs, si le gouvernement du Président Tebboune prévoit de garantir l’indépendance … et l’égalité de tous devant la justice et en instaurant plus de transparence et de moralisation dans la gestion des affaires publiques, prendra t’il en compte les détentions arbitraires qui ont été décidées manu militari ? Procèdera-t-il à une révision diligente pour la relaxe de tous les détenus ?

Le Capital humain dont il est question … La panacée !?

La question qui se pose de nos jours est de savoir ce qu’il en est des hommes et des femmes qui prendront en charge la mise en œuvre de ce plan ? Comme les précédents, théoriquement, les potentiels des premiers désignés paraissent appropriés mais dans la pratique ils restent insuffisants d’autant plus que les curriculum vitae publiés ne montre aucune réalisation aux postes qu’ils ont occupés. Le contenu du nouveau programme et sous le chapitre intitulé Capital Humain il est mentionné que des objectifs sont entre autres l’amélioration des conditions de satisfaction du service public et l’initiation de formations aux employés des services publics mais rien en ce qui a trait à la sélection en amont de ceux qui doivent y veiller. Il reste que l’hypothèse qu’il ait été fait appel à des experts exerçant à l’étranger est vérifiable tant la théorie supplante la pratique sachant que lesdits experts, ont fait des propositions qui semblent avoir été retenues. Néanmoins, comme par le passé elles n’ont aucun ancrage dans le monde du travail de l’Algérie d’aujourd’hui. Il est malgré tout étonnant qu’aucune recommandation n’ait été portée à la connaissance du public et surtout précédée d’un bilan, d’un état des lieux, d’une évaluation de la situation réelle. Ce nouveau plan est lancé et comme par magie il fait mention du concept ‘’Capital Humain’’. Connu pour être porteur d’une idéologie managériale problématique à laquelle s’oppose le Potentiel Humain il est présenté comme étant la panacée.  Or, un peu d’épistémologie nous laisse voir que les organisations économiques algériennes sont passées abruptement de la gestion du personnel avant la GSE et le SGT à la gestion des ressources humaines dès le milieu des années ‘’80’’. Cela s’est fait sans transition ni formation appropriées. C’était l’époque de ‘’l’homme qu’il faut à la place qu’il faut’’ et du triptyque : ‘’Honnêteté, intégrité engagement’’. Ce modèle sorti tout droit des ouvrages de management est mis de l’avant pour en faire la panacée.

Dans l’absolu, encore une fois, nous savons que dans bien des pays, ce sont avant tout les modèles de sélections des dirigeants qui impriment le schéma de gestion. Ils se ressemblent. Il est aussi vrai que dans l’absolu les curriculum vitae de ces gouvernants mentionnant leurs formations, leurs expériences et leurs compétences sont en adéquation avec les missions et les tâches des postes qu’ils postulent mais ce sont aussi leurs résultats de gestion qui sont scrutés. Ce qui n’est jamais le cas en Algérie. Va-t-on enfin y remédier ?

Pour conclure, les défis managériaux et de la bonne gouvernance sont gigantesques. Ils vont de la conception et de la rédaction des plans de charge et des programmes des ministères et de leurs employés jusqu’à la reddition des comptes selon les normes accréditées. Ce qui veut dire que les institutions comme la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances et les inspections des ministères et des entreprises publiques doivent être activées et mandatées pour qu’elles effectuent le travail pour lequel elles ont été créées et qui évitent la navigation à vue.

Ainsi seront mis en oeuvre les principes de l’'exercice des droits et des libertés mais aussi des devoirs et obligations des citoyens. Là est la véritable question de la transparence et de la concertation pour les uns et les autres.

Ferid Racim Chikhi

Analyste senior – GERMAN

Groupe d’Études et de Recherches Méditerranée / Amérique du Nord. 

3 août 2021

Crimes au nom de l’honneur ?

«Dans ces sociétés où le patriarcat a force de loi, "crime pour l’honneur" se traduit par un crime contre les femmes»

Leila Lesbet

Présidente de Pour les droits des femmes du Québec 

Lors du quadruple crime de la famille Shafia, n’avons-nous pas entendu une psychologue nous expliquer le dilemme dans lequel se trouvait le criminel Mohamed Shafia : déchiré entre sa culture d’origine et celle du pays dans lequel il avait choisi de vivre, excusant ainsi sa culpabilité par rapport aux trois corps de ses filles et celui de sa première épouse qui venaient d’être repêchés dans le canal Rideau. C’était le 30 juin 2009.

Peut-il y avoir un quelconque honneur dans un crime froidement planifié, réfléchi et programmé par des hommes dont la victime a un lien de sang direct avec ses criminels ?

Dans ces sociétés où le patriarcat a force de loi, « crime pour l’honneur » se traduit par un crime contre les femmes. Ce crime pour l’honneur concerne uniquement la femme : c’est le fardeau lié à notre sexe.

Dans ces sociétés, la femme appartient d’abord à sa « tribu », c’est-à-dire à son père, à ses frères, à ses oncles, à ses cousins et par extension à la gent masculine que constitue la société. Son corps ne lui appartient pas, il appartient à sa famille, laquelle s’octroie le pouvoir de vie ou de mort sur cette possible « bombe à retardement » qui porte, sans aucunement l’avoir souhaité, cet honneur de la famille que les hommes par lâcheté préfèrent lui déléguer.

Le 27 juillet 2021, quand un Sherbrookois de 22 ans est attaqué par quatre individus lors d’un possible « crime d’honneur », il est rapporté dans le Journal de Montréal que la police estime que « rien ne porte à croire que la victime aurait commis une quelconque faute ; il n’y aurait eu possiblement aucune relation intime ». Cette phrase lourde de sens donne à penser qu’une relation intime aurait rendu le crime acceptable. Vraiment ?

Le 29 juillet, à Kirkland, quand La Presse rapporte le cas d’une adolescente de 16 ans violentée par son frère sur son lieu de travail, le SPVM précise que « l’affaire est fort probablement “reliée à un conflit de violence intrafamiliale”, sans toutefois s’avancer sur l’éventualité d’un crime d’honneur pour le moment ».

Pour Nour (nom fictif de l’adolescente de Kirkland), les interdits sont nombreux : contrôle de sa tenue vestimentaire, de ses fréquentations, de ses textos, de son argent et du wifi résidentiel. Pourtant, ce cas éloquent n’est pas unique.

Il est de notoriété publique que les crimes dits « d’honneur » ont cette particularité de mettre en évidence l’appui de la « tribu » qui soutient les hommes qui les commettent. N’est-il pas lâche de s’organiser à plusieurs contre une seule personne appartenant au sexe dit faible ?

Les noms des personnes inculpées ne font réagir aucun imam pour dénoncer cette barbarie à l’endroit d’adolescentes innocentes.

Indifférence

Le plus insoutenable, car offensant au plus haut point, c’est la condescendance du gouvernement du Canada qui mène avec assurance sa politique communautariste dans laquelle nous sommes enfermées, condamnant ainsi sans appel nos protestations et niant nos aspirations.

Combien d’adolescentes vivent ce calvaire dans la plus grande indifférence ?

Combien de filles, d’adolescentes et de femmes auraient aimé témoigner de leur quotidien au procès de la Loi sur la laïcité de l’État ?

Combien d’entre elles auraient aimé être entendues au Sommet national sur l’islamophobie et proposer leurs recommandations ? Mais leurs voix, nos voix sont inaudibles.

Combien d’adolescentes victimes de ces crimes doivent taire les violences subies alors que le relativisme culturel sévit dans les écoles québécoises, où on banalise la présence des femmes dites musulmanes représentées toujours voilées, et cela conformément à un profilage établi selon l’origine géographique ou ethnique et souvent confondu avec la religion, comme dans le cours ECR ?

Il ne s’agit pas de stigmatiser une culture ou une religion, mais bien de dénoncer certains faits de culture ou de religion qui n’ont vraiment plus lieu d’être dans notre société d’aujourd’hui.

S’il y a déshonneur dans une relation entre une femme et un homme, demandons-nous qui porte l’honneur et qui assume le déshonneur ?

Nous, les femmes, sommes atterrées par le silence assourdissant du premier ministre du Canada et de toute la classe politique, tant au fédéral qu’au provincial.

Nous sommes consternées par le silence complaisant des organismes gouvernementaux dédiés aux droits des femmes.

Est-ce ce choix de société et de vivre-ensemble que nous voulons pour nos enfants ?

Leila Lesbet

Présidente PDFQuébec

In Le Devoir : Crimes au nom de l’honneur? | Le Devoir 

25 juil. 2021

Un Numide en Amérique du Nord - 354 -

 La ligne rouge que Trudeau ne devait pas franchir ! ?
Sommet contre l'Islamophobie d'Ottawa !!??

Je suis offusqué par la non-retenue du Premier Ministre Canadien qui, encore une

fois, prête son soutien à des groupuscules islamistes qui s'érigent en représentants de tous les musulmans du Canada sachant que ceux-ci se répartissent au moins en deux grands groupes : les Sunnites et les Chiites et que chacun d’eux se subdivisent en plusieurs sous-groupes aussi différents les uns que les autres, que ce soit par la pratique religieuse ou la tradition musulmane ou encore la culture d’origine.

Ce sommet qui marque une fracture entre les communautés musulmanes de diverses origines et les bourreaux islamistes montre la faiblesse du gouvernement fédéral face à des organisations et associations islamistes qui n’ont pour seuls objectifs que de semer la division et la stigmatisation des musulmans qui se sont adaptés aux lois du Canada et refusent que leurs soient imposées des lois importées des pays qu’ils ont quitté, pour certains, depuis plus de trois décennies.

Lorsqu’il est question de minorités, le premier ministre Justin

Trudeau va t'il soutenir ces musulmans qui constituent plus de 98% de ces communautés ou restera t-il dans sa posture d'aider des groupuscules connus pour leur violence et leur sournoiserie ?

C'est juste une question de bon sens à l'adresse des fédéralistes qui se disent contre le séparatisme !


Ferid Chikhi


19 juil. 2021

Un Numide en Amérique du Nord - 353 -

 Un Président, une Assemblée nationale, des élections locales et après ?

Aborder succinctement quelques aspects en lien avec les changements géopolitiques qui orientent le monde avec des effets certains sur l’Algérie depuis plus de trois décennies, et en particulier au cours des deux dernières années, n’est pas chose facile pour procéder à un décryptage objectif tant les facteurs déterminants sont volatiles et souvent dissimulés.

En Algérie, en plus de l’échelle démographique qui montre les proportions des tranches d’âges largement favorables aux jeunes, ce qui exige des réponses multidimensionnelles à des besoins nouveaux, il existe au moins quatre facteurs qui retiennent l’attention des analystes de la politique nationale.

Le premier porte sur les séquelles ravageuses des années 90', elles sont persistantes et significatives mais personne ne semble s’en occuper. Le second est le package des effets du Hirak sur les institutions et les hommes. Ils sont porteurs de belles promesses si ce n’est les agissements de quelques individus subversifs. Retenons à titre indicatif que jusqu’à récemment le nettoyage se poursuit au sein des institutions étatiques et parmi les plus en vue ce sont celles de l’armée qui scintillent le plus. Le troisième questionne le silence des intellectuels. Tendance lourde en lien direct avec la communication de leur savoir, leur savoir-faire et leur savoir-être dans une société en pleine transformation. Le quatrième facteur est celui de la non-communication institutionnelle en Algérie, elle enraye toute la dynamique de l’œuvre colossale entreprise depuis au moins le 19 février 2019.

Un Président, une assemblée nationale, des municipales et après ?!

Depuis, le 19 février 2019, l’Algérien né au milieu des années 80 et durant les ‘’90’’. Le nouvel Algérien qui acquiesça, qui accepta, qui se plia à tout ce qui venait du pouvoir, de la mosquée et même de l’école infiltrée depuis des décennies par le wahhabosalafisme s’est levé d’un seul bond pour rejeter le pouvoir corrompu et corrupteur … Il le conteste encore et toujours malgré les multiples arrestations opérées quotidiennement sur l’ordre dont ne sait quelle autorité judiciaire avec des conséquences insoupçonnées. Même la grâce présidentielle de juillet 2021 ne semble pas aller dans le sens de l’apaisement souhaité.

Pendant, ce temps, le président de la République poursuit la mise en œuvre de sa feuille de route en gérant son schéma de consolidation des mécanismes institutionnels par la consécration des assemblées élues qui obtiennent à peine 10% des suffrages (Présidence de la république, Assemblée Populaire Nationale, Bureau du Sénat) dans la perspective des élections locales, nouvelle organisation ministérielle qui suscite un paquet d’interrogations et le redéploiement de la diplomatie. Pour le commun des mortels, ces actions ne sont pas probantes vu le déni affiché par l’Algérien et la gifle qu’il a infligée au pouvoir en boudant les urnes. Par conséquent, personne ne peut nier que les élections présidentielle et législatives ont été un point de rupture inégalé depuis 60 ans.

En analysant ces facteurs, quatre changements majeurs sont apparus. D’abord, les organisations politiques peuvent être considérées comme de petites associations de quelques individus, sans grande envergure et leur attache avec la population est très faibles ; les islamistes n’ont plus le poids qu’ils revendiquent depuis deux décennies ; le pouvoir est toujours contesté par la grande majorité de la population et enfin au plan international, une petite accalmie de la part des partenaires européens dès le moment où les institutions élues sont mises en place même si des petits grains qui font grincer la machine diplomatiques persistent ; le retour d’un diplomate chevronné saura sans aucun doute les faire évacuer en temps voulu.

Des intellectuels sans audace !

Si ce n’étaient les effets du Hirak couplés à ceux de la pandémie (Covid19) on peut se demander où sont les intellectuels ? Leur silence est troublant. Comme dirait le plus crédules des observateurs : à l’horizon, rien de nouveau ! Pourquoi et comment se fait-il que les érudits, les instruits, les libres penseurs, les universitaires, ne prennent pas position, n’éclairent pas de leurs réflexions les citoyens ? Ces citoyens qui sont ‘’agressés’’ avec violence par les propos d’individus qualifiés de politiciens ou de prédicateurs incultes. Pourquoi ces intellectuels sont-ils quasiment absents du champ sociopolitique et culturel laissant le terrain à quelques personnages à peine lettrés qui ressassent les mêmes propos depuis plus d’un quart de siècle ? Pourquoi ne font-ils pas comme leurs devanciers, dire et écrire leurs pensées ? Bien entendu, il sera dit qu’ils n’osent pas, vu que la parole est censurée, interdite et ses auteurs systématiquement arrêtés.

Or, si l’on excepte la prise de paroles de quelques lettrés, docteurs (on n’en finit pas avec cette appellation galvaudée) souvent égocentriques qui font plus dans la subversion que dans la pédagogie, les questions relatives au silence assourdissant de la majorité inquiète. Le pire est qu’un grand nombre est sur les réseaux sociaux mais comme anonymes. Selon, un collègue sociolinguiste, l’origine principale résiderait dans la langue de communication. L’arabe. Langue imposée contre vent et marée, elle est parlée et comprise par plus de 90% de la population. Parler ou écrire en français à la majorité des Algériens est un défi que quelques auteurs sont en passe de relever, en revanche l’impact est embryonnaire. Le pouvoir en place a compris ce paradigme et il en use à outrance. Par conséquent, les effets des ‘’lettrés’’ en français sont minimes pour ne pas dire nuls. Là s’établit une problématique qu’il faudra visiter en substance.

Revenons quelques années auparavant, avant et durant la décennie ‘’90’’. Il n’y avait pas les réseaux sociaux pourtant nombreux sont ceux parmi lesquels les défunts Aloula, Boukhobza, Djaout, Sebti, Stambouli ou encore Tigziri … ont pris des positions courageuses. Ils ont osé s’exprimer dans les langages du peuple, au sein de la société civile. Ils étaient dans les partis politiques et même au sein des institutions étatiques. Les plus intègres ont observé les mouvements du peuple, ses angoisses, ses craintes, ses peurs des dérives sans issues. Ils ont été perspicaces et intelligents dans leurs recommandations. Malheureusement, ils ont été assassinés par les forces du mal et des ténèbres.

Un silence complice versus une communication pédagogique ?

Y a-t-il, aujourd'hui, quelques ‘’héritiers’’ pour offrir des idées constructives à une jeunesse désorientée ? Pourtant, ce ne sont pas les technologies de l’information et les réseaux sociaux qui sont à mettre en cause. Certes, ils devraient être un des outils les plus appropriés pour combler le vide abyssal auquel la population en général et l’universitaire en particulier est confrontée. Quelques universités ont bien développé des sites internet mais presque tous sont figés, jamais renouvelés pour ne pas dire inaccessibles. Sur le plan national, à l’heure de la numérisation universelle, la question de la communication et de l’information reste sans réponse.

Comparativement aux autres pays dont les universitaires sont omniprésents par leurs écrits et leurs éclairages, ils avertissent, conseillent, préconisent, inspirent, et recommandent des solutions, non seulement aux dirigeants mais aussi aux citoyens, qu’ils soient partisans ou non affiliés. En Algérie exception faite de quelques petites pointures, qui parmi nous peut citer cinq références expertes qui mettent la lumière sur les différentes problématiques politiques, sociales, économiques, culturelles, etc. ? L’interrogation qui à ce niveau est posée en trois segments est de savoir s’il s’agit d’un manque de savoir, un manque de savoir-faire ou tout simplement même si c’est complexe, un manque de savoir être ? Il est vrai que les présentations faites sur quelques plateaux de TV confirment la médiocrité des échanges que ce soit pour les questions posées par les animateurs ou les réponses données par les ‘’experts’’ en question.

L’absence des universitaires du monde médiatique

Le plus grave demeure que les enseignants des universités, ceux qui parlent de sciences politiques, de sociologie, de psychologie, d’économie, de droit, de management, et j’en passe, sont silencieux à l’endroit du grand public alors qu’ils peuvent faire œuvre de pédagogie pour atténuer les tensions, rapprocher les points de vue, réduire les mensonges et prendre la parole à ceux qui racontent des inepties.

Dans certaines situations, quelques-uns s’expriment à partir de l’étranger et arrivent à se relayer par des médium interactifs, d’autres dans des cercles restreints communiquent par des réseaux sociaux dynamiques. En revanche, leurs propos sont dans un langage ésotérique que ce soit en arabe ou en français et n’atteignent même pas un public averti. Ils mettent de l’avant des cadres de références éculés et des lectures d’auteurs étrangers sans ancrage particulier en Algérie. Malgré cela, les thèmes et les impacts du Hirak sont nombreux. Ils touchent l’unité nationale, la composante sociale, la diversité régionale, les groupes intergénérationnels, les multiples revendications identitaires et culturelles, le patrimoine culturel et artistique, les attentes et les espoirs des uns et des autres … la citoyenneté, les effets de la décennie noire sur la santé mentale, le dynamisme impulsé par le mouvement citoyen, l’industrie en général, l’économie, la sociologie, les changements climatiques, la numérisation, l’oisiveté des jeunes, l’absentéisme des employés des services publics, etc. Ils constituent, à n’en point douter, une diversité de sujets et de thèmes de recherches qui font rêver des dizaines d’érudits des universités et des académies à l’étranger. Comme bien d’autres observateurs du mouvement citoyen qui fascine le monde par sa quiétude, son calme, sa détermination et son intelligence collective, l’hésitation de ces ‘’élites’’ est compréhensible mais l’inhibition héritée de la langue de bois, de la pensée unique, de la référence à un régime et un pouvoir sans partage est dévastatrice. Il faudra un sens du discernement développé pour y remédier.

Diverses hypothèses peuvent être énoncées en matière d’initiatives que prendraient les uns et les autres afin d’anticiper l’avenir et canaliser les forces vives vers le chemin critique. C’est l’heure pour eux, pour ces ‘’doctes’’ de se libérer de faux carcans et de prendre part, avant qu’il ne soit trop tard, à cette mutation singulière d’un peuple porté par sa jeunesse. Un autre changement de paradigmes est nécessaire et tant attendu.

En guise de conclusion

Ne sont pas nombreux ceux qui s’associent aux quelques voix isolées qui clament que depuis 1962 tout va mal. Mis à part les simplets, personne, ne peut nier que l’Algérie a gagné en modernisation profitable à la majorité des Algériens, que ce soit pour les institutions, la législation et l’organisation sociétale, l’industrie et l’économie malgré le fait que cela ne fonctionne pas partout de manière équilibrée. Par manque d’anticipation et de perspectives réfléchies il y a encore beaucoup à faire.

Sachant que 75 % d'Algériens sont nés au cours des trois dernières décennies, cela ne veut pas dire que les libertés universelles recherchées par tous les Algériens est un fait institutionnel. Si l’on regarde de près les dégâts de la pensée unique et ses séquelles sur les groupes et les individus, l’évaluation frise la catastrophe. Sans occulter le fait que beaucoup de ceux qui sont nés pendant la colonisation ne sont pas forcément en mesure de réfléchir avec le savoir nécessaire et suffisant. Les politiques gouvernementales depuis 1962, tous domaines d’activités confondues, ne sont pas à la hauteur des espérances des plus éclairés et en deçà des attentes de la majorité. Malgré tout, l'Algérien est très critique envers ses gouvernants sans distinction alors que des efforts notables ont été et sont encore fournis par beaucoup de personnes.

Toutefois, de nos jours, le gouvernement a sur la table plusieurs dossiers chauds, la réduction de la pandémie et ses conséquences sur la population ; la mise au travail des compétences nationales ; l’initiation de vraies enquêtes sur les arrestations et le profil des détenus ainsi que sur les blocages de la liberté d’expression. Tous ces dossiers exigent de nouveaux modes de gouvernance. Qui ne semblent pas faire partie des stratégies des différents départements ministériels.

Ferid R. Chikhi

Analyste sénior, Groupe d’Etudes et de Recherches Méditerranée Amérique du Nord (GERMAN))

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