10 févr. 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 376 -

 Histoire et mémoire : sortir de l’émotionnel pour aller vers le raisonnable

L’Algérien est-il condamné à apprendre son histoire seulement au travers de ce qu’écrivent les érudits des pays ennemis d’hier et adversaires d’aujourd’hui, alors que les règles et les normes de l’oralité, qu’il connaît depuis des millénaires, ont complètement été modifiées et réorganisées pour satisfaire les contrefacteurs du moment ? L’écriture de l’histoire est un acte patriotique qui se suffit à lui-même. Malheureusement, beaucoup d’historiens se sont érigés en experts.

Depuis quelques années, l’on assiste, incrédules et embarrassés, à des tentatives d’écriture de l’histoire de l’Algérie sans que l’avis de l’Algérien ne soit entendu et encore moins pris en considération. Même si quelques rencontres ont été organisées pour en parler, des séminaires ont été aménagés par suite de commandes décrétées et ordonnées, le tout s’est soldé par des dommages plus que par des avantages. Ce qui est singulier, c’est que l’écriture de cette histoire ne semble concerner que celle de la Révolution de Novembre 1954, et tout au plus quelques péripéties du Mouvement national, qui vont dans le sens des tendances d’une caste, donc sans aucun lien ni intérêt pour les périodes qui les ont précédées. Alors, demandons-nous, en quoi cela peut être utile ? Est-ce cohérent, pertinent, raisonnable ?

Pourquoi vouloir écrire et enregistrer des événements, des épisodes, des faits d’une période donnée tout en ignorant ceux du passé ? L’acte de résistance de l’Algérien face aux conquérants, aux envahisseurs et autres infiltrés date de la nuit des temps. C’est dire que si l’on sort un tant soit peu de l’émotionnel et que l’on fasse appel à la raison, les données et leur analyse seront certainement plus appréciables.

Sortir de l’émotionnel, c’est enregistrer les témoignages des acteurs ayant vécu de près ou de loin les différents actes, événements et épisodes d’un moment dont plusieurs parleront de leur vivant. C’est noter la mémoire vive pour en faire un libellé utile pour les générations futures. C’est aussi le premier niveau du raisonnement qui aide à séparer le bon grain de l’ivraie. Aux historiens de distinguer entre la mémoire perceptive, l’épisodique, la procédurale et la sémantique. Il reste que le travail de consignation des historiens ne suffit pas. Il faut y ajouter celui des sociologues, des philosophes, etc.

Les idéologies fallacieuses

L’intérêt de cette écriture est bien entendu et avant tout idéologique. Parce que parler et enregistrer les recherches sur tout ou partie de l’histoire millénaire, c’est remettre en question un discours ambiant fort dérangeant pour bien des personnes qui naviguent à vue et qui refusent de lever le couvercle du puits du savoir et de la connaissance. Elles sont convaincues que l’ignorance du peuple addict à la religiosité et au football est un facteur de cohésion. Or, elles ignorent qu’avec ou sans elles, l’histoire s’écrit d’elle-même, comme s’est écrite celles d’Athènes, de Bagdad, de Cordoue, de Damas, de Rome et de bien d’autres lieux prestigieux qui ont marqué les temps et les esprits.

Ce qui est grave, c’est que lorsque des dirigeants algériens se laissent assiéger par les codes, les conventions, les normes, les règles, les théories, et bien des usages des ennemis et autres adversaires qui ne veulent pas que l’histoire de l’Algérie soit écrite par des Algériens, ils convoquent des comités et des commissions pour faire oublier le vrai problème, celui de laisser les experts effectuer leur travail.

La méthodologie de l’ancien occupant ne convient pas

En fait, lorsqu’il est question de l’histoire, l’Occident a formé ses historiens, ses journalistes, ses sociologues, ses anthropologues et l’ensemble de ses érudits à écrire les témoignages de ceux qui ont vécu des événements, à les retranscrire et à en faire des ouvrages ou de nos jours des vidéos qui profitent à ses cultures, ses identités, ses civilisations et surtout à leurs citoyens, pour se souvenir et ne jamais oublier.

Ainsi sont officialisés par écrit des actions, des aventures, de entreprises, des événements, des faits, des incidents, des péripéties qui serviront de références aux analyses et aux commentaires des anthropologues, des historiens, des journalistes, des sociologues, pour d’autres écrits qui font par la suite l’histoire selon leurs auteurs.

Ce sont les Allemands, les Belges, les Britanniques, les Etatsuniens, les Français, les Grecs, les Italiens, les Turcs. Les Russes, etc., qui ont écrit et qui écrivent les histoires de leur pays. Pourquoi faut-il que l’histoire de l’Algérie soit écrite à deux mains : celle de l’ancien colonisateur indu occupant et celle de l’Algérien qui a libéré sa patrie ?

L’histoire et la mémoire de l’Algérie sont la propriété intellectuelle et patrimoniale des seuls Algériens, qu’ils partagent ou non avec ceux qu’ le veulent. Mais les vraies questions qui devraient nous interpeller sont l’authenticité et l’utilisation de l’instrument et le véhicule qui transmettront aux futures générations cette écriture par de vrais patriotes.

Parmi ces questions, demandons-nous :

1) Quelle sera la langue d’usage et de transmission ? Sera-t-elle la langue arabe ou celle d’un autre occupant ? Sera-t-elle cette langue mal enseignée et mal maîtrisée ? Sera-t-elle celle du dernier occupant qui pourtant a perduré un peu plus d’un demi-siècle après l’indépendance mais qui reste pour le moment la langue la plus fonctionnelle ?

2) Pourrait-on se défaire de la religiosité ambiante pour être critique et raisonnable sans que les émotions ne prennent le dessus ?

3) La recherche des informations fera-t-elle l’objet d’une méthodologie et d’une épistémologie spécifique ou sera-t-elle expérimentale ?

4) Ceux qui, dans les centres d’archives et de documentation, ainsi que ceux qui sont dans les universités prennent part à ce travail colossal sont-ils sincères ou se réfèrent-ils aux seuls écrits des indus occupants ou, au contraire, iront-ils chercher l’information sur le terrain ?

5) Quel sera le profil des membres des comités de rédaction et de synthèse ? Ces comités seront-ils indépendants ou «rattachés» à quelque instance ?

Les questions d’authentification exigent que les personnes en charge de cette histoire et de cette mémoire respirent impérativement l’honnêteté, l’intégrité, le patriotisme et soient absolument loin des cercles dominants.Bien entendu, d’autres critères devront être définis pour que cette œuvre soit une véritable révolution pour le pays et qu’à travers sa lecture, la future société algérienne soit édifiée dans la transparence universelle.

Ferid Racim Chikhi

2 janv. 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 375

Transformations internationales : 

effets en fonction de la posture de l’Algérie


Le Président Tebboune et l'Ambassadrice US a Alger

Cette contribution déroule sous forme de synthèse des éléments que je qualifie de sensibles par leurs interrelations et que rencontre l’Algérie en ce début de 2024. Une nouvelle année qui présente des caractéristiques en lien avec les changements majeurs que vit le monde. Les effets des transformations internationales sur le plan notamment géopolitique pourraient avoir des répercussions positives en fonction de la posture de l’Algérie au double plan interne et externe.

Le propos ne se veut en aucune manière une médisance. Il se veut plus l’expression d’une opinion ou encore du fossé qui existe entre les décisions et les apports de l’institution présidentielle et gouvernementale, la lenteur de leur mise en pratique, peut-être en raison du manque d’un échéancier et d’un système d’évaluation des opérateurs.

Nul ne saurait occulter que le monde est actuellement dominé par le génocide que commet l’entité sioniste et ses protecteurs anglo-saxons et euro-étasuniens contre les Palestiniens, et même les pays qui ont vécu ou vivent encore la guerre sont effacés des supports médiatiques les plus en vue dans le monde occidental pour mettre en évidence les actions sauvages d’Israël contre des civils innocents. Pour sa part, l’Algérie, égale à elle-même, poursuit son soutien aux peuples opprimés et regarde l’avenir avec confiance. Du moins, c’est ce qui ressort du premier discours sur l’état de la nation, prononcé récemment par le président de la République, devant les deux chambres parlementaires réunies pour la circonstance.

Un premier discours sur l’état de la nation

Depuis le début du post-Hirak – élection du président de la République –, il est question de réformes dans presque tous les domaines d’activité. Mais l’Algérien lambda les ressent-t-il dans son quotidien ? Cinq années d’exercice. Pourtant, l’appréciation est pour beaucoup mitigée. Pour la grande majorité de la population, les effets de ces réformes sont lents à voir le jour et les dérives culturelles, économiques, idéologiques, sociales, etc., sont latentes en raison essentiellement d’un manque flagrant de compétences ou, pour le moins, d’un déficit d’expérience chez les agents de l’Etat en charge de les mettre en pratique. Sur un plan plus large, le changement de stratégie et de l’équipe en place avec un chef du gouvernement, certes aguerri aux affaires diplomatiques mais pas encore pour les affaires internes, exigent une feuille de route avec des objectifs clairement définis et une marge de manœuvre qui lui permettrait d’atteindre les cibles de façon appropriée.

Le président de la République a prononcé un premier discours sur l’état de la nation. Les deux chambres parlementaires ont apprécié cette nouvelle forme de reddition des comptes, même si, par ailleurs, il est évidemment clair que les réalisations présentées ne font pas l’unanimité et que le pays stagne dans la pensée unique.

Bien entendu, faute d’une véritable liberté de traitement de l’information, les opposants, et ils sont nombreux, frétillent sur les réseaux sociaux. Ils s’en donnent à cœur joie pour exprimer ce qu’ils en pensent. Leurs persiflages, leurs attaques violentes et à la limite de la correction n’apportent rien de nouveau, tant ils sont sans arguments. Ils sont assenés par quelques commettants qui se cachent parmi une élite absente (au pays et) du pays et présente des signes d’aliénation visibles pour ne pas dire semble avoir perdu son âme. Ils se sont autoproclamés opposants au pouvoir en place. Leur cible privilégiée est bien entendu l’institution présidentielle et pour cause, ils considèrent que ce ne sont pas les 39,88% des électeurs qui se sont exprimés contre 60% qui se sont abstenus, qui la rendent légitime.

Cependant, que l’on soit d’accord ou pas, pour un pays qui s’est libéré du césarisme des précédents dirigeants, plusieurs problématiques agissent comme des petits cailloux dans la chaussure de l’Institution présidentielle. A titre indicatif, l’on peut citer sur le plan interne celui des détenus d’opinion et des subversifs, celui de la bureaucratie toujours prégnante ou encore le manque de civisme de la population qui restent parmi tant d’autres les plus visibles et montrent à l’évidence que le rattrapage, qu’il soit culturel, économique, politique ou social, s’avère difficile.

Un déficit en compétences satisfaisantes

Même s’il existe bien d‘autres impératifs, il est clair que pour chacun, on sait qu’il y a des raisons objectives qui expliquent pourquoi ils sont mal appréhendés. L’une de ces raisons, et elle ne date pas d’aujourd’hui, ce sont les compétences et les expériences capitalisées des agents de l’Etat. L’examen des actes de gestion de ces agents, et particulièrement les opérationnels, ceux qui sont en contact avec le public, le confirme. Bien entendu, les responsables sont au premier chef concernés par les résultats médiocres relevés ici et là, que ce soit dans le secteur financier à la traîne (banque, fiscalité, douane, etc.), encore sclérosé malgré des directives pour une numérisation diligente ; une justice toujours sous influence ; le service public général (wilayas, municipalités, voirie, services postaux, etc.) fortement désorganisé ; l’inexistence d’un système d’évaluation des performances sous-tendu par une formation continue et permanente. Les derniers limogeages décidés par le chef de l’Etat en font la démonstration.

Il existe un secteur névralgique très vulnérable tant que des réformes profondes n’y sont pas introduites : celui de l’éducation nationale, totalement en manque de rationalisation et toujours entre les mains de pseudo-professionnels fermés à l’universalisme. Dans ce secteur – de l’école à l’université –, si les différents paliers ne sont pas rapidement séparés du contenu du Livre et de la mosquée, rien ne progressera. Il faut laisser la mosquée pour la paix de l’âme et il est urgent de redonner â l’école sa fonction première, celle de préparer les générations futures a la cohésion et à l’harmonie sociétales par un enseignement résolument fait d’arts, de littérature, d’histoire, de mathématiques, de philosophie, de physiques, de sciences, de sociologie et, surtout, d’ouverture d’esprit.

Le manque de compétences et le manque d’expérience sont un enjeu que les tenants de l’Etat doivent considérer avec attention. Il est vrai que les agents en poste détiennent des diplômes universitaires, mais au cours des trois dernières décennies, ils ont rarement acquis l’expérience nécessaire et suffisante pour faire que les performances des institutions soient améliorées systématiquement et, surtout, évaluées sur la base de règles sanctionnant les résultats atteints par les services de l’Etat. Sans ces compétences ainsi que leur capital expérience, et, notamment, sans les influences exogènes, leurs performances continueront de faire du surplace au grand dam de la population.

Mieux encore, en matière d’administration générale, et à titre indicatif, si l’équilibre n’est pas développé entre la stratégie générale, les activités opérationnelles et les ressources humaines, sans de nos jours ignorer la numérisation, l’échec sera toujours au rendez-vous. Afin d’y remédier, il importe de lier ou d’arrimer la stratégie avec les opérations (1) de terrain qui doivent être menées d’abord par des autorités qualifiées et avérées ; développer en continu des relations avec les organismes intéressés, les employés, les usagers, les partenaires et, bien entendu, les institutions ; perpétuer et insister sur l’amélioration des compétences et des capacités professionnelles des opérateurs à tous les niveaux, et ce par des formations de courte durée et en mode continu.

En matière de développement organisationnel, j’ai croisé, des «experts» algériens de «haut niveau». Ils étaient fiers d’être appelés à proposer des démarches pour résoudre des problèmes dans certains secteurs d’activité. Très compétents là où ils exercent, ils n’ont pourtant aucune expérience opérationnelle en Algérie. Leurs interventions resteront un échec qui coûte cher.

Dans toute organisation, le déploiement des compétences et des expertises s’opère en fonction de ses stratégies et de ses plans d’action. Cependant, cela ne semble pas être un facteur déterminant dans celles du gouvernement. Et c’est peut-être pour cela qu’il est légitime, depuis le Hirak, que le commun des mortels pense que le président de la République a beau mettre de l’avant ses réformes et les changements qu’il a entrepris depuis son élection, l’insatisfaction est toujours présente et même les défenseurs, les vrais, ceux de l’Etat, doutent des résultats des décisions énoncées. L’incompréhension persiste encore sur les motifs du manque de discernement qui fait que l’intelligence et la raison du service public ont été évacuées des différents processus de stabilisation de l’Etat.

Le cas de la justice et celui de l’éducation nationale en sont un bon exemple. Lorsqu’il faut patienter que les mises à niveau soient faites, les appréhensions au sujet des cas traités créent le tourment qui se transforme en égarement. Surtout qu’en la matière, les décisions judiciaires se prennent encore et encore sur diverses influences que subissent des magistrats et c’est toute la confiance en la gouvernance qui est vulnérabilisée. Parmi les cas les plus sensibles, celui des détenus d’opinion, qu’il faut distinguer des subversifs, embarrasse et gêne bien des citoyens. Oui, personne n’ignore que la justice est intransigeante, cependant, il y a toujours eu un minimum de circonstances atténuantes pour alléger les peines et rendre ces égarés illusionnés, aussi subversifs soient-ils, à leurs familles et à la vie civile, même avec des restrictions civiques temporaires, mais légales.

Les autres affaires nationales et la diplomatie

Sur un tout autre chapitre, il y a de cela quelques mois, dans ces mêmes colonnes (2), j’avais mis l’accent sur les succès de la diplomatie algérienne. Des succès palpables, puisqu’il est question d’une continuité pour ne pas dire d’une permanence de l’œuvre des aînés durant la Révolution du 1er Novembre 1954. Ils ont été consolidés par de nouvelles percées observées que ce soit en Asie, en Afrique, en Europe ou dans le reste du monde. L’un des faits marquants est le mandat obtenu pour siéger au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Membre non permanent, elle saura prendre part aux échanges, notamment en portant la voix des pays victimes des retombées d’un ordre mondial à l’agonie et bâti par des puissants sans scrupules.

Toutefois, on relève un ralentissement pour ne pas dire un engourdissement des activités. Que ce soit sur le plan régional et méditerranéen, avec le renforcement des relations avec la Turquie et celui de la coopération avec l’Italie, ce qui n’est pas le cas avec la France. Les affaires étrangères carburent bien me dira-t-on, cependant, il est évident que la stratégie a changé au regard des enjeux nouveaux. En matière de gouvernance des Etats, le changement des leaders et autres animateurs de la politique nationale découle des nouvelles stratégies que le pays met en œuvre. La diplomatie procède de la même démarche : elle sert les intérêts du pays. Cela ne peut pas se faire en raison de situations qui font que ces enjeux sont mal perçus ou créent des adversités entre les animateurs gouvernementaux.

«Communauté» ou «communautés» ?

Dans son discours sur l’état de la nation, le président de la République a mis en avant son soutien aux communautés algériennes vivant à l’étranger et particulièrement la plus proche, c’est-à-dire celle qui réside en France en particulier et en Europe en général. Deux axes ont été mis en exergue : d’abord la perte de sens des gouvernants français et autres européens, ensuite les contingences politico-économiques avec leurs effets sur le social, qui devraient inciter les Algériens à regarder vers la mère patrie. Or, nous savons qu’en France, la communauté est stratifiée. Plusieurs segments ou catégories de binationaux, de générations, de résidents, de sans-papiers, sans compter ceux qui se revendiquent comme algériens parce que natifs d’Algérie.

Les modifications apportées à la loi sur l’immigration ne sont pas sans effets sur les enjeux générés par les liens avec l’ancienne puissance coloniale. Nous savons que le laxisme a dilué les appartenances, non pas et seulement, aux anciennes colonies devenues indépendantes depuis plus de soixante années, mais a, aussi, englouti bien des ressortissants dans les espaces communautaristes et idéologiques. Alors, une toute petite question bien singulière me vient à l’esprit : que ce soit la Fédération des Algériens en France ou le nouveau venu, le MOUDAF, ont-ils procédé ne serait-ce (qu’au) recensement des binationaux qui œuvrent dans les nombreux domaines d’activité ? La question se pose aussi pour les autres associations d’Algérie dans le reste du monde.

Pourtant, avant de revendiquer quoi que ce soit, le seul cas de la sensibilisation et de la mobilisation des communautés algériennes montre que les services diplomatiques, comme les organisations de la société civile, sont hors-jeu. Les ajustements nécessaires mettent du temps à se concrétiser, alors que la participation des Algériens à l’étranger est un atout certain face aux adversaires et, essentiellement, aux ennemis du pays.

Par ailleurs et pour conclure, un récent sondage (décembre 2023) laissait apparaître des clivages menant à la rupture avec les ratonnades des années 50 et 60, pour s’orienter vers la chasse aux musulmans, avec les Algériens en ligne de mire. Nous savons qu’un sondage est une image instantanée d’une situation qui n’est pas sous contrôle. L’islam, y compris celui pratiqué en France, comme celui du reste du monde, est hétéroclite et complexe, ne serait-ce que par le schisme sunnisme-chiisme. Il est aussi diversifié que les cultures qu’il habite. Il peut réunir, mais ne saurait unir des Turcs, des Sénégalais, des Maliens, des Nigériens, des Egyptiens, des Qataris, des Ouigours, des Albanais, des Bosniaques, même des convertis de tout bord, etc. Et les politiques français ont de quoi toujours diviser pour s’opposer à une force qui, si elle était unie, nuirait à la cohésion sociétale et républicaine française. Cependant, ils ne peuvent ni évaluer ni s’opposer à des communautés qui ne veulent pas être assimilées, mais seulement intégrées comme citoyennes à part entière.

En France, un ressourcement de la citoyenneté est peut-être nécessaire, non pas sur la base du seul triptyque – liberté, égalité, fraternité –, trois concepts complémentaires mais souvent mal perçus ou quelque peu érodés, parce que, de nos jours, distants de la laïcité. Cela réduit à néant la conception de la fraternité servie en fonction des idéologies partisanes. Par conséquent, ce ressourcement recadrerait les prises de position dans la stricte conception républicaine. Bon ! Bien entendu, c’est, là, une affaire française qui nous concerne seulement de loin, mais que les liens historiques remettent au goût du jour seulement lorsque les droites viennent polluer l’ambiance.

En revanche, les choix nouveaux de l’Algérie devraient être simples. Ils doivent être tournés vers le bien- être du citoyen. Citoyen, c’est ce concept qu’il faudra définir de façon explicite dans la Constitution.

F.-R. C.

Analyste Senior, Groupe d’études et de recherche Méditerranée Amérique du Nord (German)

1) Gestion des entreprises : amélioration systématique des performances et activités opérationnelles stratégiques, Mémoire de fin de cycle INPED, juin 1991. Mise à niveau ESG : UQAM.

2) https://www.algeriepatriotique.com/2022/06/01/la-politique-exterieure-dun-pays-est-le-reflet-de-sa-politique-interieure/#comments

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Aussi dans Algérie Patriotique : https://www.algeriepatriotique.com/2024/01/02/transformations-internationales-effets-en-fonction-de-la-posture-de-lalgerie/#comments 

19 déc. 2023

Un Numide en Amérique du Nord - 374

POUR UNE IMMIGRATION QUALITATIVE

Une immigration qualitative

 

Seuls ceux qui ne s’informent pas ignorent …


Durant les mois
 de septembre et d’octobre 2023, quatre évènements politiques ont attiré l’attention des uns et des autres. D’abord, au Québec, le rideau est tombé sur les travaux de la commission des relations avec les citoyens de l’Assemblée nationale qui menait une consultation, depuis le 12 septembre 2023 au 28 septembre 2023, sur la planification de l’immigration pour la période 2024/2027 et sur la partielle de Jean Talon (Capitale nationale) qui a vécu un vote sanction contre la CAQ au grand bénéfice du parti Québécois. Ensuite, dans le reste du Canada, l’élection à la présidence de la chambre des communes du premier Québécois de couleur et au Manitoba celle d’un premier ministre autochtone constitue deux événements non négligeables pour le pays.


Pour le Québec, l’élection du candidat du PQ est un tour de force qu’il faut applaudir à la fois pour signifier que la CAQ a fait de la politique politicienne et ne peut se jouer de la confiance des citoyens comme elle l’entend alors que le parti souverainiste (je n’aime pas ce concept et je lui préfère indépendantiste) a œuvré savamment pour renaitre de ses cendres à charge pour sa direction et ses membres de considérer tous les citoyens comme partie prenante de ce grand projet qu’est la réalisation d’un pays.   


De la planification : On ne planifie pas le passé mais l’avenir


Ce sujet sur lequel tout le monde et personne n’a de prise tellement il est complexe, la planification de l’immigration reste un sujet sensible tant pour les Québécois que pour les immigrants.  Je laisse la question des seuils d’immigration suggérés par le gouvernement et ses partenaires du marché du travail aux spécialistes et autres experts pour nous informer de leur savoir afrin de résorber la pénurie de main d’œuvre qui sévit dans cette partie de l’Amérique du Nord, sachant la pression sur la vacance des emplois, estimé à environ 200.000.


Cependant, quelques effets et conséquences de ces seuils font que le manque de main d’œuvre expérimentée provoque des mots de tête au sein des organisations qui ont la charge d’accueillir, d’orienter et de soutenir les immigrants quant à leur intégration socioculturelle et ceux qui ont la charge de leur insertion socioprofessionnelle. Aborder la question selon un décryptage sociologique n’intéresse pas beaucoup de monde mais l’immigration a des effets non seulement sur la société d’accueil mais aussi sur les communautés ethnoculturelles.

 

Donc, parler du nombre seulement en termes d’emplois à combler tout en mettant de côté les profils et les qualités des immigrants c’est occulter bien des paramètres dont les effets sur la société d’accueil sont tangibles. Mieux encore parmi les conséquences multiples que j’anticipe la plus pénible est celle de voir, se reproduire, encore et encore, une société québécoise à plusieurs strates sociales séparées. Une société en silos. Comme dans les quartiers multiethniques de l’agglomération de Montréal. Alors, se pose une question cruciale : comment réussir l’inclusion, si chère à beaucoup, si à la base, les communautés en provenance de bien des régions du monde sont séparées par des barrières avérées, évidentes mais invisibles ?


Sur le plan professionnel, le monde du travail est en perpétuelles transformations. Des changements de fond notamment avec l’introduction de la numérisation, la robotisation et l’utilisation des ordinateurs ont bien entendu des effets multiples sur les individus que ce soit en rapport avec l’organisation professionnelle ou la société dans son ensemble.  Les habitudes de travail changent et le facteur humain doit être observé autrement que par le passé. L’apport de l’immigration est certes essentiel dans un Québec qui a un besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer. Mais peut-il le faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à son histoire, à son identité, à la formation d’une société nouvelle ?


L’immigration et le Québécois Nouveau

 

L’avenir du Québec n’est-il pas dans le changement du profil citoyen ? Pour ce Québécois Nouveau qui se dessine à l’horizon, l’apport de l’immigration est certes essentiel dans un Québec qui a un besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer. Mais peut-il le faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à son histoire, à son identité, à la formation d’une société nouvelle ? Oui ! Le Québec peut se refaire en changeant les attributs du citoyen actuel en ceux du Québécois Nouveau. En revanche, l’apport de l’immigrant doit tenir compte des paramètres communs et des paramètres spécifiques pour ne pas générer un Québécois hybride qui fonctionne avec deux entités en lui.


Intégration socioculturelle V/s cloisonnement et enfermement


Nous savons que la société québécoise n’est pas structurée comme les sociétés d’origine (Africaine, Asiatique, Européenne et Moyenne Orientale …) des immigrants que ce soit sur le plan communautaire, culturel, identitaire et social.  La cellule de base, soit la famille, est totalement rénovée en fonction des changements sociétaux qu’a connu le Québec depuis la révolution tranquille ce qui n’est pas le cas des autres cellules de base des immigrants. L’égalité des droits y est consacrée. L’apport des communautés est réduit à une simple présence dans la société sans les effets positifs qui devraient découlés d’une participation citoyenne d’où l’enfermement et le cloisonnement. Même, les jeunes immigrants qu’ils soient arrivés avec leurs parents ou nés ici, finissent, presque tous, par s’enfermer dans leurs communautés et deviennent les témoins d’un rejet qu’ils n’ont jamais voulu et contre lequel ils finissent par s’ériger.


L’immigrant qui arrive dans la province vit plusieurs chocs, largement documentés par des recherches souvent ponctuelles et dont les recommandations lorsqu’elles existent sont sans effets concrets sur les groupes sociaux. Les plus connus de ces chocs est celui de la culture divisée en choc du départ et choc de l’arrivée. Mais aucune recherche, du moins à ma connaissance, ne parle du choc industriel, du choc thermique, du choc technologique, du choc de la non-reconnaissance des acquis hors du Québec et du grand choc sociétal. En effet, l’immigrant observe et constate, par exemple, que le fonctionnement des familles au Québec n’a rien à voir avec celui qui est le sien et pour cause, d’où qu’il vienne le nouvel arrivant ne connait que l’organisation patriarcale à qui il appartient. Il s’agit d’un premier choc identitaire qu’il le confronte dans son nouveau pays.  Il s’y adapte en s’enfermant dans sa communauté. Enfermement préconisé par le multiculturalisme du Canada. C’est le lieu de génération de la colère, de l’angoisse, du stress, etc. qui deviennent la source de mille et un trouble. L’une des premières conséquences de cet état de fait est un enfermement sur soi qui ne dit pas son nom. Rien n’est fait pour expliquer au nouvel arrivant l’évolution le développement, les progrès – académiques, culturels, identitaires, industriels, commerciaux, sociétaux - qu’a réalisé la société Québécoise en un peu d’un demi-siècle.

 

Insertion socioprofessionnelle

 

L’industrie, le commerce et tous les secteurs d’activités ainsi que l’éducation et la santé au Québec ont des organisations qui ont été pensées et mises en œuvre par des québécois pour des québécois.  Ils se sont développés depuis des décennies pour devenir à la fois performantes et efficaces mais en ce siècle de changements majeurs des espaces, de l’environnement, des normes du travail, de l’apport important des immigrants avec des statuts multiples, ils ont atteint leur niveau d’obsolescence le plus critique. La nomenclature et les organigrammes des emplois se modifient au fil des avancées professionnelles qu’elles soient organisationnelles, fonctionnelles, technologiques et logistiques en milieux industriel, commercial, dans les centres d’études et de recherche, sans occulter le droit du travail, mais la mise à niveau des définitions des tâches des emplois et des organigrammes ne semble pas être à l’ordre du jour.  Que ce soit en provenance d’Europe, d’Afrique, d’Asie ou d’Océanie les nouveaux arrivants ne font pas toujours le lien entre l’évolution de la société d’accueil et celle du monde de l’industrie, du commerce, de l’éducation (tous paliers confondus), de la santé ... etc.

 

Qu’en est-il des jeunes ?

 

Le nouvel arrivant adulte, qui arrive en famille avec un, deux, trois et parfois quatre enfants, vit une autre problématique que celle vécue par un célibataire venu étudier au Québec. Elle se décline par l’appréhension du futur pour les enfants. L’immigrant a quitté son pays pour mille et une raisons et, notamment celle d’offrir un avenir meilleur pour ses enfants. Cette situation prend une autre dimension pour le célibataire qui vient étudier avant de s’installer au Québec mais une fois marié (conjointe venant de son propre pays ou née elle-même ici au Québec) lui apparait le spectre de la culture, du culte, de l’identité et de la langue maternelle qu’il voudrait offrir à ses enfants ... Mais … il se heurte à bien des tabous, des clichés, des préjugés, etc.

 

Ce que j’observe tous les jours, malgré ‘’l’éducation nationale’’ souvent inadaptée aux attentes des familles, c’est l’incertitude, l’inquiétude, la frustration innommables qui génèrent des attitudes, des comportements, pas ou mal documentés, pour y faire face. Ces nouveaux arrivants et leurs enfants se réfugient dans leur ‘’bulle’ et ne participent pas aux développements et au progrès de la société Québécoise, si ce n’est que pour résoudre des problèmes communautaires, éducatifs et par extension sociaux sans risque de bénéficier des bienfaits du système qui ne profitent qu’à ceux qui en ont appris les rouages et les failles.   

Les familles issues de l’immigration veulent être considérées dans leur entièreté citoyenne. Des programmes sociaux devraient être pensés et mis en œuvre rapidement pour une meilleure intégration socioculturelle des nouveaux arrivants et de tous les autres immigrants. La connaissance de la société d’accueil et le rapprochement avec cette société devraient être privilégiés, non pas seulement, comme une inclusion à sens unique mais une intégration multiforme en développant des programmes d’ouverture à la société d’accueil, pour les familles et leurs jeunes, issus de l’immigrations (éducatifs, culturels, industriels, etc…).

 

Par ailleurs, la métropole Montréalaise, ne doit pas être vue comme une ‘’ile fermée’’ sur elle-même mais s’ouvrir aux régions d’abord limitrophes et ensuite à toutes celles du Québec, la réciproque étant valable. Cela pourrait se faire par le développement de programmes d’exploration du Québec profond pour amener les jeunes à s’intéresser aux régions, à leurs cultures, à leurs fonctionnements institutionnels et même administratifs et voir la compatibilité avec leur apport à tout le Québec.

 

Apprentissage du français pour les allophones et pour les monolingues :

 

Une fois au Québec, apprendre le français dispensé comme durant les années ‘’60 et 70’’ est une d’une impertinence innommable alors que les immigrants viennent d’Asie, d’Afrique, du Moyen Orient et d’ailleurs. Cela n’aide en rien à sa maîtrise. Il est plus facile et plus simple de dispenser des cours de français pour un immigrant en provenance d’un pays ayant subi la colonisation française que pour un autre en provenance d’une ancienne colonie britannique, d’un pays méditerranéen que d’un pays du pacifique.

 

La santé psychique des NA

 

À la fin de la pandémie, j’ai constaté trois paramètres troublants chez les nouveaux arrivants résident au Québec depuis un peu moins de trois ans. Leur vulnérabilité après avoir été confiné alors qu’ils n’avaient pas les moyens de subsistance minimale. (Aller chercher de la nourriture à la banque alimentaire ne faisait pas partie de leurs habitudes de vie - dignité oblige). La perception qu’ils avaient du regard de membres de leur communauté était dégradante. Le fait de ne pas avoir trouvé un emploi selon leurs attentes était considéré et reste considéré comme une atteinte à leur intégrité professionnelle. Leur état de santé psychique s’évaluait au niveau de la colère, de l’angoisse, de l’anxiété du stress qu’ils vivent … et les inviter à visiter le CIUSS pour rencontrer un travailleur social était un cheminement ne faisant pas partie de leur pratique sanitaire.

 

Conclusion

 

L’immigration ne doit pas être seulement une réponse aux besoins quantitatifs dans le monde du travail. Elle doit aller de pair avec la qualité des profils multiples de ces personnes qui sont appelés en renfort pour stabiliser une démographie du Québec en chute libre et des besoins tant industriels et commerciaux, culturels, sanitaires qu’éducatifs. Retenons que pour arriver au Québec, les immigrants suivent des étapes qui ont montré leur résolution à quitter leurs pays d’origine. Ils ont aussi fait preuve d’entreprenariat et de respect des lois du pays d’accueil. Ils ont répondu à divers critères qui ont permis leur sélection … cependant et au comble de leur insatisfaction, ils constatent, une fois au Québec, qu’ils doivent débuter, sans une certitude avérée un autre cheminement que personne n’a anticipé. La première désillusion les confronte durant le premier mois de leur installation avec pour conséquence le rejet de la société d’accueil en raison de tous les nouveaux écueils qu’ils rencontrent sur leur cheminement pendant au moins une décennie.

 

L’immigration doit être qualitative avec une anticipation, une prévision, une programmation tenant compte des besoins et des attentes de toute la société. En cette ère de grandes incertitudes mondiales, elle doit viser à ne pas altérer en profondeur les fondements de la société d’accueil et ne pas corrompre les attributs des groupes ethniques en pensant que leurs progénitures de deuxième et troisième génération s’intégreront totalement. Elle doit être pensée pour rassurer les communautés ethniques que les valeurs auxquelles elles sont attachées pourraient être un plus pour la société d’accueil et la réciproque étant vraie. L’immigration doit être repensée pour faire partie d’un projet de société plus large et plus globale. Celui d’un pays qui veut se renouveler et rester parmi les plus progressistes et les plus accueillant au monde mais aussi selon les exigences de la durabilité pour le Québec

 

Ferid Racim Chikhi

30 août 2023

Un Numide en Amérique du Nord - 373 -

 L’Algérie et l’Algérien, les BRICS et le reste du monde :

quelques nuances en bref

BRICS ajournement

Dans le propos qui suit je mets en avant, successivement, les analyses et les réflexions sous le coup de l’émotion que les uns et les autres expriment en toute liberté mais qui sont souvent dénuées de fondement, le travail de l’équipe d’experts internationaux qui ont accompagné le cheminement de l’Algérie vers l’ajournement de son adhésion aux BRICS et les critères de leur sélection, ainsi que la problématique de la communication gouvernementale.

L’expression des états d’âme est un handicap

Déception, regrets, amertume, désappointement et bien d’autres qualificatifs ont accueilli le rejet, l’échec, le renvoi et bien d’autres qualificatifs utilisés par les partisans d’une intégration aux BRICS, les pseudo-opposants, les adversaires de la gouvernance actuelle de l’Algérie sans omettre les ennemis… de l’adhésion à cette nouvelle organisation, née en 2011. Les cinq pays que sont la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et la Russie étaient au début des années 2000 considérés comme ayant une forte croissance en matière d’investissements directs à l’étranger, d’éducation et de création d’entreprises.

Des analyses et des réflexions sous le coup de l’émotion

L’ajournement dont vient faire l’objet l’Algérie devrait être considéré, non pas comme un frein, mais comme un point de relance et inciter à revoir les paramètres présentés pour, qu’à l’avenir, quel que soit le résultat, cela ne suscite plus autant d’incompréhension et de colère.

Les multiples analyses et autres réflexions énoncées à froid, ici et là, sont soit le fruit de l’émotion due à une remise en question de la certitude que le pays en est un de majestueux, d’imposant ou encore de superbe, alors qu’il est loin de ces qualificatifs, soit le résultat d’un raisonnement sans fondement, faisant appel à des considérations superficielles éloignées de la réalité des indicateurs objectifs qui structurent les niveaux de croissance, comprenant par-là d’amélioration du niveau de vie de l’Algérien.

Sentencieuses sont ces déclarations intempestives énoncées par madame et monsieur Tout-le-monde, sans aucun égard au pays ; cela se fait comme si chacun était présent aux préparatifs tout au long du processus d’adhésion et au sommet lui-même, comme si ce chacun avait participé à l’énoncé des résultats. C’est malheureux mais c’est ce qu’est l’Algérien depuis plus de quatre décennies.

Il est évident que malgré leur incompétence, leur incapacité, leur inaptitude et la bêtise ambiante, quelques-uns se laissent aller à des appréciations négatives, en mélangeant aussi bien les gouvernants que les institutions, sans omettre les procédures mises en œuvre dans de telles opérations d’intégration à des institutions et autres organisations internationales, qu’elles soient sociales, économiques ou politiques. Pourtant, l’Algérie a bien intégré des organisations mondiales qui sont aussi si ce n’est plus exigeantes sur le plan du respect des critères que ceux des BRICS.

L’équipe d’experts : désavouer, le mode de sélection

Revenons à la politique mise en œuvre par l’Algérie pour rejoindre les BRICS. Les premières observations qui me viennent à l’esprit résident dans le profil des membres de l’équipe qui a eu en charge ce dossier ; le manque de transparence de la part des gouvernants qui n’aident pas à apprécier les compétences des membres de cette équipe en matière d’incorporation à une organisation de pays parmi les plus en vue de la planète : qu’est-ce qui pourrait expliquer objectivement que l’on ait ainsi raté la cible ?

Une autre question se pose et à laquelle devront répondre les gouvernants : sur quelle base ont-ils choisi ces experts et/ou consultants internationaux ? Si le népotisme, la cooptation et les autres modes de sélection usuels des gouvernants d’avant le Hirak ont été déployés, il est normal que l’ouverture de la porte des BRICS se soit subitement restreinte. Bien des analystes, qu’ils soient économistes, journalistes, militants, politologues, etc. développent des explications parfois intéressantes par leur contenu, même s’ils sont en décalage avec la réalité objective. Quelquefois, elles sont fort censées mais sans dérouler une problématique pertinente qui aiderait à redresser la barre.

Quelques-uns affichent leur opposition au gouvernement, d’autres leur malveillance pour ne pas dire leur aversion de l’Algérie. Retenons que c’est bien d’énumérer les quelques forces des pays qui ont été admis aux BRICS mais quelles sont les atouts et les forces de l’Algérie pour renforcer sa candidature et selon quels critères cela s’est fait ? Malheureusement, seules les insuffisances sont mises de l’avant par nos pseudo-experts. Il faut croire que la conclusion est intéressante parce qu’elle est choquante et violente.

Cependant, une analyse en profondeur serait la bienvenue. A titre d’exemple, quel a été le rôle des médias officiels au niveau national ou encore quel a été le rôle des diplomates en poste à l’étranger dans l’accompagnement du processus d’intégration ? Dans une précédente réflexion publiée dans ces mêmes colonnes, j’avais mis de l’avant les dynamiques de la diplomatie algérienne qui tire ses valeurs de l’héritage de la Révolution de novembre 1954 et des formations dispensées par les universités algériennes et en premier lieu l’Ecole nationale d’administration. Dans ce dossier, ces mêmes diplomates ont-ils conçu leur travail selon des critères objectifs et rationnels ? Les commandes de l’équipe en place ont-elles été attribuées aux meilleurs ou l’ont-elles été encore une fois pour répondre à des intérêts sordides ?

Les critères de sélection et la communication institutionnelle

Il est avéré qu’il existe un autre problème gouvernemental, celui de la communication institutionnelle qui reste nulle, et pas seulement pour ce dossier. Et pour cause, même l’apport du président Tebboune qui a tenté une explication après le report de l’adhésion de l’Algérie n’a pas fait mouche ; jusqu’à ce jour, le gouvernement n’a rien dit au sujet du processus, des discussions de Johannesburg et après la décision prise, ce qui est interprété par bien des Algériens comme du mépris.

Avant de clore cette réflexion, retenons que les ténors parmi les économistes et la grande famille des élites et des intellectuels algériens sont silencieux au sujet de ce revers, si revers il y a, alors qu’au même moment les subversifs, les spéculateurs de tous bords s’activent pour dénigrer le cheminement suivi par l’Algérie. Enfin, à ce jour, aucune réflexion qui tienne la route n’a été publiée, alors que des experts de l’économie internationale, de la géostratégie, de la mise en valeur de ce que sont les BRICS élargis s’expriment sur ce que cette organisation peut apporter au monde. Que font-ils et qu’attendent-ils pour éclairer le grand public ?

Il reste un signal à donner avant une analyse en profondeur. L’Algérie doit se recentrer sur au moins deux axes pivots : consolider les liens et les relations avec les pays méditerranéens et les pays du Sahel quitte à se lancer dans la création d’une organisation régionale puissante, ensuite valider qu’une véritable opération de gestion des élites est nécessaire et urgente, tant au plan interne qu’au plan international, et surtout en engageant une sortie probante de la «stupidité» de faire appel aux personnels cooptés.

En conclusion

Alors, arrêtons de croire que nous sommes les meilleurs !

Cette réflexion se termine, entre autres, par ce qui suit : au total, 14 pays ont exprimé leur intérêt pour faire partie des BRICS, parmi lesquels : l’Algérie, Bahreïn,

Bangladesh, Biélorussie, Bolivie, Cuba, Honduras, Kazakhstan, Koweït, Palestine, Sénégal, Thaïlande, Venezuela, Vietnam. Seuls les Algériens sont profondément déçus par l’ajournement de son adhésion à cette organisation, non pas parce qu’elle ne répond pas aux critères et autres exigences imposés par les cinq membres fondateurs, mais parce que, d’une part, elle n’a demandé qu’un statut d’observateur à ce sommet et, d’autre part, l’Algérie parallèlement à cette incorporation s’est lancée dans d’autres chantiers internationaux tels que celui de la paix au Sahel, le développement de relations bilatérales et multilatérales, tant au plan continental qu’au plan international, mais aussi au niveau national pour la résorption des problèmes multiformes que vit le citoyen face à une administration bureaucratique que même la numérisation ne dynamisera pas. Problèmes auxquels vient s’ajouter l’erreur stratégique et idéologique du remplacement du français par l’anglais (comme si les dérives occasionnées par l’expérience la généralisation de la langue arabe ne suffisaient pas, etc.) Nous devons nous remémorer que courir plusieurs lièvres à la fois empêche d’avancer avec sérénité.

Rappelons-nous aussi qu’un des paramètres parmi les plus importants reste le manque d’introspection profonde de l’Algérien pour chercher en lui les causes de son «indignation profonde et permanente» ; toutes les réflexions sont bonnes et parfois pertinentes mais un peu de retenue ferait un grand bien à la majorité de la population.

Si un jour, chacun se mettait à travailler, peut être pourrions-nous réussir là où d’autres ont déjà réussi. Soyons un tant soit peu réalistes et soulignons que tant que l’école n’est pas sérieusement remodelée et que les charlatans qui l’occupent n’en sont pas chassés, tant que la mosquée forme des ignares qui ne lisent même pas le Livre, tant que les chaînes de télévision populistes mettent de l’avant le footballeur qui use de ses pieds pour se faire une renommée ou le pseudo-imam qui ne connaît rien de l’islam mais poursuit son vagabondage sans être rappelé à l’ordre, ses prêches inconvenants, tant que la justice erre en empêchant la liberté d’expression, tant que la jeunesse ne pense qu’à quitter le pays, gageons que rien de beau n’attend l’Algérie. «Le mal est en nous et les autres nous ont dépassé par la science» (dixit Mohamed Boudiaf). C’est pourquoi l’Algérien doit corriger sa désaffection envers son propre pays et se mettre sérieusement au travail.

F.-R. C.

Analyste sénior, Groupe d’études et de réflexions Méditerranée Amérique du Nord

L’Algérie et l’Algérien, les BRICS et le reste du monde : quelques nuances en bref - Algérie Patriotique (algeriepatriotique.com)

Le 30 août 2023

Un Numide en Amérique du Nord - 378

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