4 juil. 2010

Un Numide en Amérique du Nord - 64 -

L’adaptation, les ajustements et l’intégration ?
Les différences entre l’homme et la femme s’affichent... - 4 -
Dans la dernière partie de la conversation  Le Numide préconise des changements de paradigmes et nous dit son avis sur le relativisme culturel. Il soutient qu’il ne s’agit pas de ’changer de lunettes’’ pour mieux voir les autres. Il s’agit d’admettre que nous sommes en retard dans bien des domaines. La culture, nous dit-il, ne se complait pas de frontières figées, elle évolue, elle progresse … autour des individus qui la font et qui en font partie, de leur identité et de leur personnalité collective et singulière…la discussion se poursuit sur le même thème avec la question suivante, à savoir comment changer et rivaliser avec les autres  ….  Comment cela peut-il se produire…
Le Numide répond qu’il faut créer et consolider des passerelles entre les groupes sociaux et entre les cultures pour en premier réduire l’ignorance et faire avancer les idées, les caractéristiques dominantes de l’autre culture que ce soit en ce qui à trait aux attitudes et aux comportements, aux expressions d’usage, etc. il souligne en prenant l’exemple de nos compatriotes,  j’ai appris avec le temps que l’éducation de l’Algérien, celle dans laquelle il a baigné depuis sa naissance est différente de celle de l’Algérienne.
Mais est-ce possible ? Ils baignent tous les deux dans le même milieu dans la même ambiance… !? C’est visible à l’œil nu. Il faut sortir du cadre de référence habituel pour l’observer. Chaque fois qu’un couple, qu’une famille débarque à Montréal, les différences entre l’homme et la femme s’affichent et sont criardes.
Pour y remédier, la démarche est simple. Elle consiste à rechercher les éléments de compréhension qui aide à communiquer avec l’autre en toute objectivité. La meilleure façon de le faire n’est ce pas en l’écoutant et en partageant !? Celles et ceux qui l’ont compris réussissent très bien.
N’est ce pas là une généralisation de trop et que fais-tu des préjugés des uns vis à vis des autres ? En général ne sont-ils pas la source d’incompréhensions déraisonnables qui éloignent les protagonistes ?  Tu poses trois questions. Commençons par la 1ere. Par moment, il faut justement généraliser. Il existe dans chaque groupe ethnique, social, professionnel, etc. plusieurs individus qui polluent l’ambiance soit par leur attitude et leur comportement, soit par leur présentation et leur langage ou encore par leur habitude de vie qui ne conviennent pas à tous et qui perturbent l’harmonie du groupe. Tant que cela se passe à l’intérieur du groupe leur prise en charge est collective et par moment individuelle. Mais dés que cela s’externalise ça devient problématique pour tous. C’est au début de chaque observation faite par ceux qui sont en dehors du groupe que les plus éclairés de la majorité doivent intervenir pour faire respecter les règles transgressées par les extrémistes. Sans quoi ceux qui sont étrangers à la communauté ne voient que les aspects négatifs et commencent  leur stigmatisation.
À suivre…
Ferid Chikhi

1 juil. 2010

Un Numide en Amérique du Nord -63 -

Digression - Poésie de chez-moi
J’ai rêvé que j’étais dans mon pays ...
Au réveil, je me suis trouvé en exil .
Nous, les enfants de l’Algérie
Aucun coup ne nous est épargné.
Nos terres sont devenues prisons.
On ferme sur nous les portes.
Quand nous appelons
Ils disent, s’ils répondent :
Puisque nous sommes là, taisez-vous !

Lounis Ait Menguellat

27 juin 2010

Un Numide en Amérique du Nord - 62 -

L’adaptation, les ajustements et l’intégration ?
Décoder et comprendre les valeurs, les pratiques sociales,  – 3 -
Mais, Le Numide, tu préconises un changement de paradigmes et par ailleurs, ne fais-tu pas aussi dans le relativisme culturel ? C’est possible, surtout que le relativisme culturel est compris comme étant le contraire de l’ethnocentrisme en tentant de comprendre une société de l’intérieur. Mais dans notre cas il n’est pas question de ‘’changer de lunettes’’ pour mieux voir les autres. Il s’agit seulement, avant de critiquer les autres d’admettre que nous sommes en retard dans bien des domaines. Il faut apprendre à ne pas dénigrer la société d’accueil.
Comment procéder puisque, quelque part, tu dis que nous ne sommes pas outillés pour être critique ? Je ne suis pas partisan des deux conceptions mise de l’avant par certains intellectuels qui consistent à considérer que l’une est forte et suggère que toutes les cultures sont égales et l’autre plus souple, plus flexible qui prône un grand respect pour chaque culture. Bien que je sois tenté par la seconde. Mais tout dépend des critères mis de l’avant pour sa définition. La problématique pour les algériens c’est que leur fort égo constitue un handicap difficile à dépasser. Il a été façonné et modelé dans un système social patriarcale ou la place de la femme est à la fois prégnante (marquante et résistante) avec une forme de soumission ambivalente (insignifiante mais responsable).
Dans ce cas, que proposes-tu ? Comment vois-tu les choses ? Comment se faire comprendre et appréhender les autres ? À vrai dire, je n’en sais rien mais, je dois admettre qu’il m’arrive de me laisser séduire par la formule de la souplesse et de la flexibilité ainsi que celle du respect des autres. Cependant, pour une bonne approche, il faut observer et ne retenir que les points positifs de l’analyse. Je suis convaincu que la valorisation de l’autre attire son respect et par conséquent la reconnaissance, sans pour autant lui imposer des valeurs, un mode de vie avec des repères qu’il ne connait pas, des critères qui lui sont étrangers et qui le remettent en question dans sa façon de s’approprier de nouvelles valeurs. Cela ne saurait se faire si l’homme ne sort pas de son machisme.
Dans ce cas que dis-tu de la culture et de son contenu… ? Ce qu’il faut c’est de ne pas s’arrêter et réduire la culture au folklore, à la tradition, aux us et coutumes ; ces trois derniers éléments participent de la formation de sa personnalité alors que la culture ne se complait pas de frontières figées, elle évolue, elle progresse … autour des individus qui la font et qui en font partie. De leur identité et de leur personnalité collective et singulière…
À suivre…
Ferid Chikhi

22 juin 2010

Un numide en Amérique du Nord – 61 –

L’adaptation, les ajustements et l’intégration ?
Décoder et comprendre les valeurs, les pratiques sociales,  – 2 -
Le Numide reste silencieux quelques secondes et sans vouloir le tirer de sa méditation, je tente un ‘’Il est vrai que cela se vérifie dans beaucoup de cas, n’est ce pas ? Alors peux-tu me citer quelques éléments de différenciation ?’’ Le Numide, cite l’exemple du rythme de vie entre le pays d’origine et l’Amérique du Nord. Il y a des années lumières qui les séparent … dit-il… mais les gens ne s’en rendent pas compte. Pour exemple prenons les moyens de transport qui, malgré le fait qu’ils soient les mêmes - autobus, automobile, train, bateau, avion, etc. – ils ne le sont pas dans la réalité. Une réalité industrielle qui propose des fonctions différentes et des utilisations plus conformes à la réalité des besoins des uns et des autres.
En Afrique du Nord, c’est en général vu et perçu comme un besoin dans certaines situations mais dans l’ensemble c’est pris comme un luxe, un faire valoir, un besoin d’exhibition ... pour marquer la différence sociale. Ici, il s’agit d’un outil de travail ou si tu préfères un moyen de communication au même titre qu’Internet qui va autrement plus vite pour nous mener d’un point à un autre mais aussi pour des considérations différentes.
Peux-tu en citer quelques-unes ? Bien sur, réplique le Numide. Les premières sont celles de la productivité et du rendement individuel. Elles sont les plus en vue. Ensuite, vient celle de la primauté de la performance sur la médiocrité. Elle est suivie par celle de l’efficacité et des gains de temps. Il s’agit d’une solution d’échange de l’information et non pas d’un problème insoluble créé pour limiter la mobilité des citoyens. Elles constituent les instruments privilégiés des échanges, du partage, de la diffusion, etc.  Par ailleurs les voies de communication terrestres (routes et autoroutes) et fluviales sont faites pour l’amélioration du mode de vie et du bien être des citoyens.
Donc, si je comprends bien ce que tu me dis, ce que subissent les immigrants en arrivant dans un pays où, non seulement la culture, mais aussi les valeurs et les pratiques sociales, sont différentes ne les aident pas à s’intégrer … ? Ce qu’ils subissent est synonyme d’un véritable tremblement de terre. Les paradigmes ne sont pas les mêmes. La mentalité de base est différente. Ce que l’on oublie souvent c’est que chaque tremblement de terre est suivi de répliques. Mais pour beaucoup parmi ceux qui viennent des pays comme l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Liban, etc. qui connaissent pourtant une ouverture culturelle assez variée, le choc culturel en est un de mental. Quelques groupes restreints arrivent à s’en remettre.
Que devraient-ils faire dans ce cas ? Doivent-ils oublier ce qu’ils sont ou … ?
En général après les répliques on tente de s’accommoder sans trop bouger tout en attendant les suivantes. On s’adapte au rythme de leur survenance. On s'ajuste au segment de temps qui a été égaré et on finit par reprendre les habitudes, en tentant d’être prêt pour toute nouvelle turbulence. Les Québécois disent que lorsque des évènements majeurs négatifs surviennent il faut savoir faire son deuil. La différence avec les valeurs, les pratiques sociales, la vie culturelle, etc. c’est que, soit on cherche le juste milieu pour préserver les siennes, soit on se réfugie dans les extrêmes et l’on finit par s’isoler et s’exclure… Il faut savoir être à l’écoute et partager.
À suivre…
Ferid Chikhi

Un Numide en Amérique du Nord - 60 -

Digression - Poésie de chez-moi
Par-delà les murs clos
Par-delà les murs clos comme des poings fermés
À travers les barreaux ceinturant le soleil
Nos pensées sont verticales et nos espoirs
L'avenir lové au cœur monte vers le ciel
Comme des bras levés en signe d'adieu
Des bras dressés enracinés dans la lumière
En signe d'appel d'amour de reviens ma vie
Je vous serre contre ma poitrine mes sœurs
Bâtisseuses de liberté et de tendresse
Et je vous dis à demain car nous le savons
L'avenir est pour demain
L'avenir est pour bientôt

D’Anna Greki (Algérie)

12 juin 2010

Un Numide en Amérique du Nord - 59 -

L’adaptation, les ajustements et l’intégration ?
Valeurs, rythme de vie, pratiques sociales, vie culturelle – 1 -
N’as-tu pas été trop fort avec lui ? Il me semble que tu t’es emporté. Ce que tu lui as dit est agressif ? Le Numide se tut quelques secondes me regarda dans les yeux et poursuivit…
Oui ! Je l’ai été. Je considère que parfois avec des personnes qui disent transmettre le savoir aux générations futures, le verbe simple à lui seul ne suffit pas. Il faut mettre l’emphase là où c’est nécessaire et les point sur les ‘’I’’.
Comment expliques-tu cette attitude et ces comportements qui font que des personnes pourtant, reconnues comme étant modernistes, progressistes et  ouvertes d’esprit se retrouvent dans une situation presque de régression ?
De régression, le ‘’presque’’ est de trop. Je ne saurais répondre totalement à ta question cependant, il me semble qu’il y a, à la fois de la technologie, de la psychologie, de la sociologie et de l’anthropologie. Il y a à mon sens un élément qu’il faut analyser, il s’agit de savoir si quelqu’un qui est qualifié de meilleur parmi les meilleurs dans son pays d’origine peut le rester ailleurs ? Il y a plusieurs réponses possibles et je retiens la suivante, les règles et les critères d’excellence ne sont pas les mêmes partout par conséquent la classification est différente ; d’autre part certains avancent le fait qu’à leur arrivée les immigrants subissent un choc culturel. Ils limitent ce choc à la différence entre la pauvreté pour ne pas dire l’indigence intellectuelle des pays d’où ils viennent et le confort du pays d’accueil. J’y adhère mais ce n’est qu’un élément parmi tant d’autres.
Le Numide peux-tu être plus précis ? … J’y viens. A titre indicatif, les apprentissages académiques et universitaires ainsi que la technologie dans un pays comme le Canada influent sur les valeurs, les comportements, les attitudes des gens. La société toute entière change au fur et à mesure que les innovations, les inventions, les créations scientifiques sont mises sur le marché à la portée de tous. Le tout est écrit, analysé, passé au crible par des critiques éclairantes. Citons le secteur de l’industrie automobile et au-delà de celui des sciences appliquées, il n’en est pas, seulement, un de montage ou d’utilisation, mais les mises en marché  exigent des validations pour leur acceptation par le public. Elles font l’objet d’un contrôle strict et d’une concurrence acharnée entre celles de l’Amérique du nord, des pays asiatiques et des pays européens, etc. par ailleurs, Internet, aide à la progression des groupes sociaux.
Comment expliques-tu cette avancée ? On vit à l’heure des transferts instantanés non seulement de l’information mais surtout du savoir, du premier pallier de l’acquisition des éléments de base de la connaissance avec l’outil informatique c'est-à-dire au niveau des écoles jusqu’au pallier professionnel. Pourtant, et c’est là un paradoxe, au Québec, l’école est soumise à des critiques virulentes de la part d’un grand nombre de citoyens qui considèrent que si des enfants quittent les bancs de classe (environ 40%) c’est que tout va mal. Des réformes sont mises de l'avant et elles aboutissent.
Pour les néo québécois, presque tous vivent un déphasage exception faite des femmes et des enfants qui  s’adaptent avec une rapidité étonnante alors que les hommes n’arrivent pas à le faire à la même vitesse malgré le fait qu’ils sont les chefs de familles, souvent et seulement théoriquement plus qualifiés. Un des chocs les plus visibles c’est la perte de ce statut de chef de famille ou pour le moins sa fragilisation. Il ne faut omettre qu’au plan social les lois du pays prônent l’égalité des sexes et la protection des enfants. Paramètres que les hommes n’intègrent pas et n’acceptent pas, privilégiant l’éducation – conservatrice - qu’ils ont importée avec eux et prétextant qu’elle est meilleure que celle du pays d’accueil. D’où un décalage entre les pratiques habituelles avec lesquelles ils arrivent et les nouvelles qu’ils découvrent. Là, c’est un véritable choc non pas culturel mais ‘’mental’’ difficile à vivre.
Souvent je me pose la question suivante : comment expliquer qu’avec leurs qualifications, leurs compétences, leurs expériences professionnelles ils vivent ce choc culturel ravageur alors qu’ils ont choisi de leur propre gré de changer de pays donc de changer de paradigme ? Récemment j’ai rencontré des compatriotes, beaux parleurs, critiques et observateurs de ce qui leur semble être des failles sociales et des bizarreries du pays d’accueil. J’ai, par contre, été surpris qu’en matière de connaissances acquises ils ne sont pas en mesure d’exprimer par écrit et souvent même verbalement le savoir acquis à l’école avant leur arrivée…
Le Numide s’arrête d’un coup et comme à son habitude prend une profonde inspiration et l’instant d’après c’était celui de sa méditation lorsqu’il me conte ses réflexions.
À suivre…
Ferid Chikhi

7 juin 2010

Un Numide en Amérique du Nord - 58 -

Le carcan, l’immigration ou l’exil ?
Une habitude ce n’est pas facile à perdre - 3 -
Poursuivant la conversation de la veille, je demande au Numide s’il ne s’agissait pas plutôt des Québécoises !? Il répond sans hésitations. Non je dis bien Canadiennes. Au début des années 2000, les compatriotes ne parlaient que des Canadiens et des Canadiennes. Ce n’est qu’à partir de 2003 que l’image du Québécois s’installe dans les conversations entre les nouveaux arrivants. C’était peut être du aux effets du 11/09.
C’est donc dés le début que j’ai découvert que ma perception de l’environnement québécois n’est pas la même que celle des autres ; j’ai commencé à m’intéresser aux institutions, à la citoyenneté, à la culture et aux arts, aux contours sociologiques et linguistiques, à l’attitude et aux comportements, etc. Mes questions portaient sur l’adaptation et les ajustements dont j’avais besoin pour me mettre au diapason de la société d’accueil. Une société qui se qualifie de ‘’distincte’’ des autres en Amérique du Nord.
Qu’as-tu pensé à ce moment précis, t’es tu retrouvé ou as-tu perdu tes repères ? Je me demandais si mes valeurs allaient heurter de front les leurs ou se ranger à côté ou encore s’enrichir ? Aurais-je à me mettre à niveau et comment le faire surtout qu’on dit que celui qui a une habitude il ne la perd jamais ? Quelqu’un qui se prévalait de bien connaître la société québécoise, un jour m’a dit, ils parlent toujours de leurs valeurs mais à quoi se résument-elles ? À la langue française et nous en avons une meilleure, l’Arabe – ils parlent de l’égalité entre les hommes et les femmes alors que l’Islam nous invite à l’équité… avant même qu’il ne finisse son discours je lui ai demandé pourquoi avec la eilleure langue au monde et la meilleure valeur morale en l’occurrence, l’équité, il a quitté l’Algérie et pourquoi a-t’il choisi de venir s’installer au Québec !? Il se tut quelques secondes et me répondit : ce n’est pas la même chose. J’ai quitté le pays à cause des dirigeants, ce sont tous des corrompus et en Algérie on ne parle pas l’arabe on parle algérien … je lui demande alors pourquoi avoir choisi le Québec et pas un pays arabe ? Il répondit : les autres pays arabes !? Leurs gouvernants, eux-aussi, sont tous des corrompus et pire que les fascistes. Et là-bas l’intégrisme est pire qu’en Algérie. Je lui demande alors comment se fait-il qu’il se soit approprié des habitudes et des pratiques qui ne font partie ni de sa culture algérienne, ni des usages de son milieu familial et encore moins de son éducation. Il faut savoir que ce monsieur est diplômé en physique et enseigne dans une école secondaire. Il me répondit que face à la vie que mènent les nord américains, leurs mœurs, l’organisation sociale et familiale qui font qu’il n’ya ni le respect des plus âgés, ni celui de la femme - ils font de leurs femmes des objets de plaisir et ils osent parler d’égalité – je ne peux pas me permettre de laisser mes enfants aller dans ce sens...  J’ai préféré me lever et le saluer avant de le quitter sans me retourner. Il a eu beau me demander de rester encore quelques moments…
L’as-tu plaqué ? Que s’est il passé après cela ? Es-tu resté ou es-tu vraiment parti ?
Oui, parce que j’ai compris que nous parlions la même langue mais pas le même langage.  En fait nous n’étions pas sur la même longueur d’onde, donc je  lui ai clairement fait comprendre que j’avais fais un choix délibéré en venant au Québec ; d’abord pour la langue française que bien des écrivains algériens se sont appropriés et qui reste encore en Algérie la langue de travail, ensuite pour l’égalité entre les hommes et les femmes qui présuppose l’équité et par conséquent la justice et l’impartialité et, que pour moi l’intégration veut dire l’acquisition non seulement et simplement des habitudes sociales du pays d’accueil mais aussi celle d’une habitude mentale. Il a encore essayé de me dissuader de partir et j’ai du répliquer vertement que mon intégration, malgré mon âge avancé, ne se limite pas à parler le français et à travailler mais aussi à m’impliquer dans tout ce qui est proximité des gens du pays.
N’as-tu pas été trop fort avec lui ? Il me semble que tu t’es emporté. Ce que tu lui as dit est agressif ? Le Numide se tut quelques secondes me regarde dans les yeux et poursuivit…
À suivre…
Ferid Chikhi

30 mai 2010

Un Numide en Amérique du Nord - 57 -

Le carcan, l’immigration ou l’exil ?

L’arrivée débute au lieu du départ - 2 -
Le Numide Parles-moi de ton arrivée, de ton installation et de ce qui t’a frappé au premier abord et qui avec le temps t’a fait changer de perception ?
Ouaahh ! Ça remonte à une dizaine d’années, pourtant ce sont des moments inoubliables. Ils s’inscrivent dans ta mémoire et deviennent des empreintes indélébiles que tu te remémores à chaque déclic. Le temps ne saurait les effacer et chaque fois que tu y penses c’est comme si c’était hier ou mieux encore aujourd’hui.
D’un point de vue générale, l’arrivée débute au lieu du départ. Tu as imaginé toutes les séquences. Tu revois le film que tu montes et que tu as rafraîchi pendant des semaines pour ne pas dire des mois. Tu as fait la liste des repères et de l’itinéraire pour que les choses se passent au mieux. Tu es convaincu que tu as suffisamment de connaissances sur le pays d’accueil, la ville d’arrivée, l’aéroport de débarquement.
Tu as fais la réservation de l’hôtel et du Bed & Breakfast où tu dois passer la 1ere et la 2nde nuit. Tu as pris une précaution de plus en sélectionnant la liste de ceux que tu considères comme étant la seconde liste. Tu as contacté deux ou trois amis au cas où quelque chose ne fonctionne pas…et une fois rendu à destination tout fonctionne mais pas du tout comme tu l’as prévu.
Si je comprends bien tu as rencontré des problèmes à ton arrivée ! ? Je sais que tu n’aimes pas évoquer les mauvais souvenirs mais dans ce cas était-ce la même chose que ce que t’ont raconté tes amis ? Dans les faits, Non tout à baigné dans l’huile. L’accueil des douaniers, celui des services d’immigration Canada et Québec ainsi que les agents d’information ont été comme me l’avaient conté tous ceux qui sont arrivés avant moi.
C’était pour moi et en tout état de cause un nouveau rendez-vous avec des qualités que je n’avais plus rencontrées depuis fort longtemps : la courtoisie, la politesse, l’amabilité, la disponibilité, l’écoute attentive et la cerise sur la tarte c’est le sourire. Je peux dire sans risque de me tromper que c’étaient là des qualités que je n’ai même pas trouvé en un seul bloc à l’aéroport de Frankfurt en Allemagne. Un moment de délectation que dis-je un instant de ravissement.
Donc les choses se sont passées comme tu l’avais prévu ? Bien au contraire tout était différent mais pas si pénible que je l’avais imaginé. Penses-y en l’espace d’une vingtaine de jours, après avoir redécouvert des valeurs que je croyais ne plus rencontrer nous avions au plan matériel loué un logement, acheté des meubles, garni le frigo, et j’en passe, le tout avec des économies au plan financier. Crois-tu que cela est encore possible, faisable, réalisable…dans ce qu’on qualifie de pays d’origine ?
Voilà ce qui m’a le plus frappé lorsque j’ai débarqué à Montréal. Ce à quoi je m’attendais des mois auparavant je le regardais et je le voyais. Je l’écoutais et je l’entendais. Je le vivais jour après jour. Tout était dans le mouvement, dans la découverte de choses vraies. Un pays, une province, des gens, en fait pas seulement des gens mais des citoyens. Des habitudes, des Us & des Coutumes.
La vérité de cette découverte a pris forme au lendemain d’une rencontre avec des amis. J’ai posée les mêmes questions que les tiennes. Les réponses n’ont pas été celles auxquelles je m’attendais. J’ai entendu quelques-uns vociférer contre les Canadiens pour le travail, d’autres pester contre les valeurs qu’ils n’appréciaient pas et qu’ils ne partageaient pas et bien sur il y avait ceux et celles – Oui – des femmes qui n’aimaient pas mais alors pas du tout l’attitude et le comportement des Canadiennes. Le Numide s’arrête d’un coup et comme à son habitude prend une profonde inspiration et l’instant d’après c’était celui de sa méditation lorsqu’il me conte ses souvenirs.
À suivre…
Ferid Chikhi

22 mai 2010

Un numide en Amérique du Nord – 56 –

Le carcan, l’immigration ou l’exil ?
Le Numide, avant de poursuivre notre conversation, j’aimerais que tu reviennes sur ton expérience de l’immigration tant en Europe qu’au Canada ou si tu préfères, en final, sur les raisons de ta venue au Québec ou encore de ton départ de l’Algérie. Peux-tu en évoquer quelques-unes et nous dire en quoi elles ressembleraient à celles des autres immigrants algériens qui vivent en grand nombre au Canada ?
Je peux dire sans risque de me tromper que chaque expérience est unique et différente de celle des autres par les causes et les effets. Nous en parlions il y a à peine une semaine avec mon frère Lamine. Il me disait que par bien des aspects elle est distincte de celles des autres. Il a évoqué les aspects en lien avec l’histoire et le vécu de notre famille aussi bien paternelle que maternelle. Elle est aussi singulière par les liens très forts qui se sont consolidés et raffermis entre les miens et moi.
Elles pourraient être similaires par d’autres aspects à celles de tous les immigrants mais dans les faits elles sont exceptionnelles par l’existence que je mène et que mènent les miens.
Mais n’est-ce pas le cas pour tous ? Non ! Chaque cas est unique. En ce qui me concerne si je mets en exergue quelques éléments de cette évolution, juste par rapport à l’époque ou aux époques. Je dis bien évolution et non pas seulement changement. Et bien, j’aurais pu quitter l’Algérie dans les années ’’70’’. J’avais le choix entre l’Angleterre au moment où je faisais mes études en littératures et civilisations d’expression anglaise ; la France à la demande de mon cousin Salem qui souhaitait un soutien dans la gestion de sa station d’essence avec la perspective d’investissement et d’implantation en Algérie ; le monopole de l’État n’était pas pour aider ce type de projet ;  l’Espagne à la demande de mon ami Chérif qui m’a proposé la direction générale de deux hôtels dont il était propriétaire.
Je peux t’assurer que ce n’étaient pas les opportunités qui manquaient. Ça aurait pu aussi survenir dans les années ‘’90’’, durant la décennie noire mais à cette époque j’ai beaucoup plus milité pour aider d’autres familles, des hommes, des femmes, des jeunes à non seulement fuir l’intégrisme mais aussi à trouver leur chemin dans cet exil forcé.
Lorsque je me suis décidé à faire le saut, ma prise de décision était différente de celles des autres à cause de l’âge. Se séparer de son pays, de sa famille, de ses proches, de ses amis et de ses collègues n’est pas une décision que tu prends sur les chapeaux de roues lorsque tu as déjà vécu 50 ans avec l’idée que tu es indépendant et libre et que tu découvres, par hasard, que tu ne l’as jamais été et que dans les faits tu ne l’es pas.
Est-ce pour cela que tu soulignes toujours que tu es un exilé et non pas un immigrant ? J’ai aussi observé que depuis que tu le dis, la majorité des algériens, ici au Canada, t’ont emprunté le concept… Exact. Lors d’une rencontre d’une centaine de membres de la communauté réuni pour commémorer le 1er anniversaire du décès du défunt Hachemi Chérif j’avais dis à quelques uns des participants que l’exil tel que l’ont vécu et décrit Mohamed Dib, Slimane Azem ou encore Dahmane El Harrachi n’est pas le même que celui que nous vivons en Amérique du Nord parce que les conditions du départ ne sont pas les mêmes, les conditions d’implantation ne sont pas les mêmes, l’environnement social, culturel et politique n'est pas le même. Et bien d’autres choses.
Lorsque malgré la confiance que j’avais dans les institutions je découvre que je vivais dans l’illusion de la liberté, une méprise sans contours, sans fondements et sans ancrage, la seule alternative qui s’est présentée à moi était de me libérer du carcan.
Dans sa dernière réflexion (1) au sujet de mon arrière grand père paternel, Lamine a parlé de trajectoire et il a noté que si Djeddi Ali avait choisi de s’implanter dans la région des Aurès même si cela était sous tendu par la recherche de la prospérité, celle-ci était-elle exclusivement matérielle ou relevait-elle aussi du symbolique, de la trace, du repère historique et culturel ? Comment Djeddi Ali percevait-il son projet dans le temps ? Quelque part ne serait-ce pas une redondance de l’histoire, une répétition que j’expérimente ainsi que mes filles, ma sœur et ses enfants ?
À suivre…
Ferid Chikhi

15 mai 2010

Un numide en Amérique du Nord - 55 –

Digression poétique
Néant, Amitié, Paix, Amour 

Je sais ce qu'est le néant, ce qu'est l'être,
Le haut, le bas ; cependant tout connaître
Serait honteux si j'ignorais ceci :
Plus haut que tout il faut l'ivresse mettre.
En ce monde, contente-toi d'avoir peu d'amis.
Ne cherche pas à rendre durable la sympathie
Que tu peux éprouver pour quelqu'un.
Fais en sorte que ton prochain n'ait pas à souffrir de ta sagesse.
Domine-toi toujours. Ne t'abandonne jamais à la colère.
Si tu veux t'acheminer vers la Paix définitive,
Souris au Destin qui te frappe, et ne frappe personne.
Qu'il est vil, ce cœur qui ne sait pas aimer,
Qui ne peut s'enivrer d'amour !
Si tu n'aimes pas, comment peux-tu apprécier
L'aveuglante lumière du soleil et la douce clarté de la lune ?


In. Trad. M. Farzaneh et J. Malaplate, #99
"Les Chants d'Omar Khayam",
S. Hedayat, édition J. Corti.

Un Numide en Amérique du Nord - 378

  Pour un Québec émancipé et indépendant ! La société des Québécois et les Sociétés d’immigrants !? Depuis quelques mois, les discussions vo...